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Fonds documentaire dynamique sur la
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Les politiques foncières agricoles en Italie

Rédigé par : Marta Fraticelli

Date de rédaction :

Organismes : Association pour contribuer à l’Amélioration de la Gouvernance de la Terre, de l’Eau et des Ressources naturelles (AGTER)

Type de document : Étude / travail de recherche

Résumé

Ce document fait partie d’une étude comparative des politiques foncières rurales menée conjointement par Terres d’Europe SCAFR et AGTER avec l’appui de la Chaire d’agriculture comparée d’AgroParisTech. Il porte sur 5 pays européens, l’Angleterre, l’Allemagne, l’Italie, l’Espagne et la Pologne. Il a été réalisé à la demande du Ministère de l’Alimentation, de l’Agriculture et de la Pêche (France) aujourd’hui Ministère de l’Agriculture, de l’Agroalimentaire et de la Forêt.

SYNTHESE. POLITIQUES FONCIERES ET EVOLUTION DES STRUCTURES AGRICOLES EN ITALIE

Les paysages italiens, dominés par des collines et des montagnes avec de grandes plaines concentrées notamment dans le Nord, varient beaucoup d’une région à une autre. Il en est de même des systèmes de production qui se sont modelés au cours du temps. Les évolutions historiques très différentes qu’ont connues les régions du Sud et du Nord ont fortement marqué les structures agraires, avec un morcellement des parcelles qui caractérise toute la péninsule et une polarisation entre grandes et petites unités de production beaucoup plus marquée dans l’Italie méridionale que dans la partie septentrionale du pays.

On trouve encore aujourd’hui un pourcentage élevé de structures de très petites tailles sur les 12,9 millions d’hectares de la SAU. Cependant, les évolutions des deux dernières décennies montrent une diminution du nombre de ces petites structures et une concentration de la SAU dans les exploitations de plus grandes dimensions, sous l’effet conjoint du marché foncier et des aides de la PAC.

La situation actuelle est le résultat de l’héritage historique d’une situation foncière très polarisée qui existait déjà au moment de l’unification du pays (1861), dominée par le latifundium au Sud et caractérisée par l’existence d’un nombre important d’ouvriers agricoles et de paysans sans (ou avec très peu de) terres. Face à cette situation initiale, les interventions sur les structures qui se sont succédé depuis un siècle et demi n’ont apporté que des solutions partielles.

La vente des terres publiques et des terres de l’Église après l’unification, loin de renforcer la petite paysannerie a au contraire approfondi les inégalités d’accès à la terre. Une structure agraire encore très polarisée persistait après la seconde guerre mondiale, aucune politique de transformation des rapports fonciers n’ayant été mise en œuvre sous le gouvernement fasciste. La réforme agraire mise en place à partir de 1950 qui a exproprié les latifundia et cherché à former une petite propriété paysanne, n’a concerné que certaines régions du pays. La mise en place d’un mécanisme d’intervention sur les marchés fonciers, la Caisse pour la formation de la petite propriété paysanne, toujours active aujourd’hui, a eu pour objet de favoriser l’acquisition de terres par les petits producteurs, en accordant des avantages fiscaux et des crédits bonifiés, mais n’a concerné qu’une partie des marchés fonciers.

La réforme agraire et les autres interventions sur les structures foncières promues en Italie après la deuxième guerre mondiale ont été conçues pour favoriser l’accès de la paysannerie à la petite propriété foncière, en privilégiant le faire-valoir direct. Ce choix, qui est à mettre en rapport avec une orientation politique importante, a eu des conséquences sur le long terme sur les structures et sur l’organisation du secteur agricole.

Pour comprendre les évolutions des structures, il est nécessaire de prendre en compte le contexte général, économique et social, dans lequel elles s’insèrent. Les décennies de l’après guerre ont été caractérisées par des transformations importantes, avec le développement rapide de l’industrie, une diminution drastique de l’emploi dans le secteur agricole (-40,7% entre 1960 et 1990 ) et des migrations internes de travailleurs des régions du Sud vers le Nord du pays. Ces évolutions se sont traduites par de profonds changements économiques et sociaux, et de nouveaux rapports entre les secteurs. Elles engendrent aussi des transformations du territoire, avec le développement de processus de spécialisation, d’intensification de la production et d’urbanisation, en particulier sur les surfaces agricoles. Les transformations induites des systèmes agricoles différent selon les contextes géographiques: dans les régions du Centre-Nord la diffusion importante de la mécanisation entraine une réduction d’utilisation de main d’œuvre; dans le Sud, la productivité s’accroit aussi, mais surtout du fait de l’achèvement des ouvrages d’assainissement et de la réalisation de projets d’irrigation.

Toutefois, on observe des constantes qui caractérisent l’agriculture italienne: l’emploi dans le secteur agricole reste plus élevé que dans les autres pays européens , et une part plus importante de la SAU est occupée par les exploitations de petites dimensions.

Les politiques des structures interviennent également par le biais de la révision des « contrats agraires »: le métayage et les autres contrats « féodaux » sont abolis en 1965. La transformation de ces formes de faire valoir indirect en contrats de fermage a cependant été freinée par une législation sur le fermage très contraignante pour les propriétaires fonciers. La diffusion du fermage est restée limitée par rapport à d’autres pays européens comme la France, mais elle s’est fortement accrue au cours des deux dernières décennies: en 1982 le fermage intéresse 18% de la SAU, en 2007, 28%, et en 2010, 39,4% des terres sont en fermage ou utilisation gratuite. Ce développement récent du fermage est lié, entre autres facteurs explicatifs, à la possibilité qui existe désormais de déroger aux normes générales de ce statut. Le fermage n’a pas toutefois pas le même rôle qu’en France pour garantir l’accès à la terre des petits exploitants: il aurait plutôt permis, au cours des dernières décennies, l’accroissement du nombre des exploitations de grandes dimensions, notamment dans les plaines du Nord.

Les mesures de la PAC, qui s’étalent en Italie sur plus d’un demi siècle, ont profondément influencé l’évolution des structures agricoles. Les aides se sont concentrées et ont favorisé les grandes structures, qui ont pu accroître leur emprise foncière au détriment des structures plus petites, qui assurent pourtant la majorité de l’emploi agricole. Face à ces difficultés, des dynamiques « spontanées » se sont développées dans le secteur agricole, avec en particulier une diffusion importante de la pluriactivité et la multiplication des ventes de services.

Les pratiques d’héritage, traditionnellement égalitaires en Italie, ont contribué au morcellement de la propriété foncière. Cependant des évolutions récentes de la politique fiscale tendent à limiter la division des propriétés et à promouvoir le regroupement des parcelles.

Ces politiques ne suffisent pas à garantir le survie des petites structures, face à un marché foncier qui limite fortement l’accès à la terre agricole, dont les prix sont très élevés par rapport aux autres pays européens. De plus, les marchés fonciers sont fortement influencés par les changements d’usage du sol, avec le développement d’utilisations non agricoles qui engendrent des phénomènes spéculatifs. Le prix de la terre explose. On constate un important mouvement de sortie des terres du secteur agricole et une très forte réduction de la SAU agricole, qui montrent à quel point l’expansion urbaine et des formes de placements financiers ont pris le pas sur des dynamiques de développement rural répondant aux intérêts sur le long terme des petits producteurs.

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