URL : http://www.agter.asso.fr/article1762_fr.html
Conférence-débat, 24 mai 2022 : L’huile de palme, le "capitalisme d’en haut", le "capitalisme d’en bas" et l’action collective en Indonésie
Mardi 24 mai, 18h30, Jardin d’Agronomie Tropicale de Paris René Dumont et en visio-conférence
Le Professeur Tania Murray Li examine depuis 30 ans le secteur de la production d’huile de palme et sa gouvernance en Indonésie sous l’angle de l’ethno-anthropologie et de l’économie institutionnelle comparée. Elle a analysé la manière dont les relations capitalistes se sont tissées « en haut », autour des grandes plantations, et « en bas » par l’insertion d’unités de production familiales dans le marché mondial.
Constatant que les producteurs indonésiens à petite échelle ont été depuis 300 ans de très efficaces fournisseurs de café, cacao et caoutchouc pour les marchés mondiaux et estimant qu’ils domineraient également l’approvisionnement en huile de palme si le gouvernement ne les écartait pas de ce secteur au profit des grandes plantations, elle pointe des contradictions que nous proposons de mettre en débat avec elle lors de la prochaine réunion thématique d’AGTER :
d’une part, le gouvernement soutient que les grandes plantations sont plus efficaces pour produire et contribuer au développement rural,
d’autre part, les organisations qui contestent la prise de contrôle des terres par les grandes entreprises capitalistes sacralisent une image des peuples indigènes et autres communautés rurales comme strictement non capitalistes et entièrement centrées sur l’auto-subsistance,
Enfin, la mobilisation contre la déforestation a conduit à un déplacement des processus d’accaparement des terres à grande échelle des zones forestières vers les zones cultivées de longue date par les agriculteurs familiaux.
Les observations du Pr Tania Murray Li attestent combien les unités familiales tendent à vouloir participer aux marchés d’exportation du fait des revenus supérieurs qu’ils peuvent leur amener, parfois jusqu’à contribuer au développement d’autres activités locales bénéfiques aux conditions de vie et à la création d’emplois. Elles montrent aussi que la contestation de la dévastation écologique et sociale provoquée par l’expansion des plantations capitalistes ne parvient pas à trouver un poids politique assez fort pour la contrer.
Ses travaux sont une invitation à discuter des catégories d’agriculture capitaliste et non capitaliste et des ressorts de la gouvernance des évolutions agraires contemporaines, dont le cas Indonésien est largement emblématique.
C’est aussi, selon nous, une matière riche pour la réflexion sur les conditions de l’action politique des personnes dominées dans l’ordre agraire actuel et, par tant, sur la recherche de l’intérêt général.
Tania Murray Li est Professeure d’anthropologie à l’université de Toronto. Membre de l’Académie royale du Canada, elle a écrit plusieurs ouvrages dont Plantation Life : Corporate Occupation in Indonesia’s Oil Palm Zone (avec Pujo Semedi, Duke University Press, 2021), Agir pour les autres. Gouvernementalité, développement et pratique du politique (Karthala, 2020), Land’s end : Capitalist relations on an indigenous frontier (Duke University Press, 2014), et de nombreux articles sur la terre, le travail, les classes sociales, le capitalisme, le développement, les ressources et l’autochtonie, avec un accent particulier sur l’Indonésie.