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puce Fiche G-ec2- GUATEMALA. Étude du cas de la communauté La Gloria y de l'Asociación de Desarrollo Integral de "LA GLORIA", San Miguel Uspantán, Département de Quiché.
Multiplicité de droits, multiplicité d’ayant-droit et multiplicité de systèmes de gestion des ressources.
Pierre Merlet

[*Présentation du cas*]

Emplacement géographique et histoire

La Gloria est une communauté située sur l’Altiplano guatémaltèque dans la municipalité de San Miguel Uspantán, département du Quiché. Les terrains où se trouve la communauté correspondaient à une ferme privée appelée La Gloria (ou Vega de Satan) qui fut saisie par l’Etat en 1954. Dans les années 60, des travailleurs d’une ferme voisine appartenant à de grands propriétaires terriens s’organisèrent pour réaliser des démarches auprès de l’Etat afin que celui-ci leur transfère la ferme La Gloria. En 1971, 34 personnes obtinrent de l’Etat des droits sur cette terre de forme collective et en échange d’un paiement qui devait se réaliser sur plusieurs années. Cependant, à cause du conflit armé qui a touché le pays, beaucoup de ces bénéficiaires durent fuir la région et ne purent y revenir qu’à partir de 1983. C’est donc seulement en 1984 que la communauté de ‘La Gloria’ fut officiellement reconnue. Les habitants finirent de payer leur dette à l’état pour la terre en 1988 et reçurent un titre de propriété en 1993.

Pendant toute cette période la communauté s’est organisée de forme informelle, c’est-à-dire sans statuts formels ou règlement interne. Des parcelles furent distribuées de façon individuelle aux habitants pour l’agriculture et des zones qui étaient couvertes de forêt restèrent sous la responsabilité collective de toute la communauté dans le but de protéger les sources en eau et de conserver une source de bois de chauffe et de bois de construction pour le futur.

En 2006, avec la création de l’ ‘Asociación de Desarrollo Integral de La Gloria (ASODIG)’, on assiste à la légalisation et formalisation de l’organisation communautaire. L’objectif de cette formalisation était de pouvoir avoir accès aux fonds disponibles au travers des projets de développement exécutés par des acteurs externes à la communauté, ce qu’ ASODIG a réussi avec succès. En effet ASODIG a pu : 1) avoir accès au programme d’incitations forestières de l’État guatémaltèque qui promeut la conservation des ressources forestières et 2) faire reconnaître par le Conseil National des Zones Protégées (CONAP) une portion du territoire de la communauté comme zone de réserve forestière.

L’organisation de la communauté et la gestion des ressources naturelles et de la terre.

La communauté, au sein de laquelle habitent près de 340 personnes, occupe une superficie de 1283 Ha qui se distribuent de la façon suivante :

  • 210 Ha de réserve forestière déclarée aire protégée par la communauté et où l’extraction de tous types de produits forestiers, qu’il s’agisse de produits ligneux ou non ligneux, et totalement interdite.
  • 540 Ha de forêt considérée comme communautaire au sein de laquelle il est possible d’extraire des ressources forestières.
  • 520 Ha de parcelles individuelles destinées a l’agriculture (les 34 membres initiaux de l’association ont chacun reçu la même quantité de terre, soit environ 15 Ha)
  • Un restant réservé aux maisons d’habitations

Au sein de la communauté il existe deux schémas d’organisation qui se recoupent et se recouvrent et qu’il est impossible de dissocier. D’une part, on trouve le système d’organisation classique de toute communauté rurale du Guatemala qui s’insère dans une organisation légale plus large qui cherche à promouvoir la participation citoyenne dans la gestion publique locale et dans la définition des politiques de développement. Au niveau de la communauté, ce système est traditionnellement basé sur l’existence d’une assemblée communautaire composée par tous les habitants de la communauté et d’un maire auxiliaire, élu par cette assemblée, qui représente la communauté auprès des institutions de l’Etat. A cette forme d’organisation traditionnelle, la loi de ‘Participation et des Commissions de Développement’ a ajouté de nouveaux schémas de participation citoyenne, en particulier à l’échelle communautaire où ont été crée les Conseils Communautaire de Développement (COCODE). D’autre part, il existe également d’autres comités qui gèrent différents problèmes au niveau communautaire, notamment en ce qui concerne l’approvisionnement en eau potable ou à l’éducation. Parmi ces comités, le comité foncier fut très important dans le passé puisqu’il s’agissait de l’organe responsable de la distribution de parcelles individuelles aux membres de la communauté et de la gestion des zones de forêt de la communauté.

C’est justement ce comité foncier qui est devenu l’ASODIG en 2006, ce qui a donné naissance à un nouveau système d’organisation au sein de la communauté. L’ASODIG est responsable de la gestion de la terre et des ressources naturelles dans la communauté. L’espace le plus important en ce qui concerne la prise de décisions liée à la gestion des ressources naturelles est l’assemblée générale d’ASODIG qui regroupe les 34 copropriétaires (c’est à dires les représentants des 34 familles qui obtinrent de la part de l’Etat des droits sur la terres dans las années 70). Cette assemblée élit tous les 3 ans un conseil d’administration qui est responsable de la mise en application des décisions prises par l’assemblée générale, ainsi les membres de différentes commissions qui sont responsables de réaliser les activités spécifiques de l’association.

[*La situation actuelle des droits sur la terre, la forêt et les autres ressources naturelles*]

Une multiplicité d’acteurs disposant de droits sur les ressources

Les acteurs qui exercent des droits sur les ressources naturelles se trouvant dans la communauté de La Gloria sont :

- L’État guatémaltèque au travers des gouvernements locaux et institutions gouvernementales
- L’ association ‘Asociación de Desarrollo Integral de La Gloria’ (ASODIG)
- Les associés de ASODIG (ils sont 34 au total)
- Les habitants de la communauté La Gloria (tous les habitants de la communauté ne sont pas associés a ASODIG, au total la communauté compte près de 340 habitants)

Ensemble des droits sur les ressources naturelles dans la forêt de la communauté La Gloria

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Quelques réflexions sur le cas de la communauté La Gloria

Un schéma de gestion collectif des ressources très récent

L’histoire de la communauté ‘La Gloria’ démontre qu’un schéma de gestion collectif des ressources naturelles n’est pas obligatoirement un héritage du passé résultant de siècles d’interactions entre un groupe de personnes et les ressources naturelles qui les entourent. Au contraire, la relation entre les habitants de la Gloria et leur environnement, en particulier la forêt, est très récente. Cependant, pendant la période de 30 ans qu’a duré cette relation, les habitants de La Gloria ont réussi a mettre en place un schéma de gestion territorial collective qui leur a permis de satisfaire : 1) les besoins individuels des habitants en terre pour réaliser de l’agriculture de subsistance ; 2) les besoins collectifs de toute la communauté en eau, bois de chauffe et bois de construction et 3) les besoins de la société en général quant à la conservation des forêts. Ceci a été possible en si peu de temps grâce au mécanisme d’accès à la terre de façon collective et à la capacité d’organisation et d’action collective dont dispose la communauté.
Cependant, des conflits internes sont apparus dernièrement. Au travers de ces conflits le modèle de gestion collective des ressources naturelles mis en place par ASODIG est remis en question et on a vu apparaitre une demande pour le démembrement des tous les droits collectifs en droits individuels. Ceci démontre à quel point la fortification, et même le maintien, des schémas de gestion collective des ressources naturelles nécessite du temps.

S’il est indéniable que l’histoire et la culture sont des aspects importants qui peuvent expliquer les relations homme-ressources naturelles, l’exemple d’ASODIG démontre qu’il est tout à fait possible de construire en peu de temps les mécanismes qui conduisent à l’action collective en ce qui concerne la gestion durable des ressources naturelles.

Des relations contradictoires et complémentaires entre différents types de droits

L’ensemble de droits qui existent dans la communauté de La Gloria démontre l’existence d’une grande diversité de relations entre ces droits.
Premièrement, on observe des relations de complémentarité forte entre droits individuels et droits collectifs. S’il est indéniable que les individus, de par le simple fait qu’ils sont membres de la communauté, disposent de droits sur les ressources, ces droits sont limités par l’ensemble de règles et de normes qui ont été mises en place collectivement au sein de la communauté. Cette complémentarité entre les droits individuels et collectifs s’observe également dans las formes de tenure foncière qui ont été mises en place par la communauté. D’une part les zones utilisées par les familles pour l’agriculture ont été distribuées individuellement avec la possibilité pour les personnes qui ont reçu des droits sur la terre de les transférer (en particulier a leurs enfants). D’autre part, les ressources qui étaient considérées comme essentielles pour les membres de la communauté, telle que l’eau et la forêt, ont été conservées collectivement dans le but d’éviter les risques qu’elles soient exploitées non-durablement.
Deuxièmement, l’ensemble de droits existant à La Gloria, illustre également l’existence de contradictions entre droits. C’est le cas par exemple en ce qui concerne l’extraction de bois dans les haies arborées autour des parcelles individuelles. En effet, comme les parcelles individuelles sont considérées comme privées, aucune autorisation de la part d’ASODIG n’est nécessaire pour y couper des arbres. Cependant, cela va a l’encontre du cadre légal guatémaltèque qui oblige toute personne ou institution qui veut couper un arbre à obtenir une autorisation de la part des institutions reconnus par l’état pour gérer la forêt. Il est intéressant de remarquer que cette règle est respectée dans les aires de forêt communautaire et de réserve forestière.

Quel que soit le contexte où l’on se trouve, l’ensemble des droits existant sur les ressources naturelles au sein d’un espace géographique spécifique est toujours très complexe. En effet, il existe toujours une multiplicité de droits et d’ayant-droits qui se caractérisent par des relations qui peuvent être contradictoires ou complémentaires. Le défi principal quand on essaye de construire des systèmes de régulation et de gouvernance des ressources naturelles réside donc dans la prise en compte de toute cette complexité dans le but de fortifier les complémentarités tout en essayant de résoudre les contradictions principales.

Profiter des opportunités que donne le cadre légal formel guatémaltèque

L’histoire de La Gloria démontre comment la communauté a su profiter des opportunités offertes par les lois de l’état et la mise en marche de certaines politiques publiques. Dans le cas de La Gloria, on peut identifier deux moments historiques clés lors desquels la communauté a su profiter ces opportunités.

Le premier moment correspond au moment où le groupe a accédé à la terre. En effet, les habitants de la Gloria se sont adaptés aux programmes qui existaient à cette époque de la part de l’état pour faciliter l’accès a la terre par certains groupes. C’est ainsi qu’ils se sont organisés collectivement pour obtenir l’accès à la terre (même si une partie de la terre a été distribuées individuellement par la suite), qu’ils ont accepté de s’endetter pour acheter la terre et qu’ils ont remboursé cette dette à l’état ultérieurement (au contraire d’autres groupes paysans qui considéraient que l’accès à la terre est un droit qui doit leur être assuré de façon gratuite par l’Etat).

Le second moment important fut la création d’ASODIG dans les années 2000. A cette époque la communauté avait déjà mis en place des mécanismes collectifs de gestion des ressources forestière avec la création d’une zone réservée à la conservation et d’une autre zone dans laquelle certaines ressources forestières pouvaient être exploitées. Cependant, la mise en place de politiques étatiques et de programmes de gouvernement ayant pour objectif de promouvoir la conservation des ressources forestières au travers de l’utilisation durable de certaines de ces ressources a conduit la communauté à chercher comment avoir accès à ces programmes pour obtenir de nouvelles ressources financières et améliorer les conditions de vie des familles de la communauté. La décision a donc été prise au sein de la communauté de formaliser l’organisation communautaire qui existait depuis des années pour la gestion des ressources naturelles. C’est comme cela qu’ASODIG a été créée. ASODIG est une association légalement reconnue au travers de laquelle peuvent être réalisées les démarches nécessaires pour avoir accès à des projets et programme gouvernementaux et de solidarité internationale. C’est donc grâce à l’existence d’ASODIG que la communauté a pu obtenir l’appui nécessaire pour assurer la conservation de l’aire de forêt et avoir accès à des ressources financières pour appuyer la gestion collective durable des ressources forestières au sein de la communauté.

Les acteurs locaux ‘jouent’ avec les systèmes de normes co-existant dans un même contexte. Ils utilisent dans chacun de ces systèmes les éléments qui leur permettent d’atteindre leurs objectifs que ce soit au niveau individuel ou au niveau collectif.


Dossier :Gouvernance des forêts au Guatemala Fiche : # ec-1

Fiche rédigée par : Pierre Merlet (AGTER)

date de redaction : Juin 2011


[*Contenu du dossier sur la gouvernance des ressources forestières au Guatemala*]


Pour approfonfir :

Roma Ardón, R.W. (2011) “Gestión comunitaria del bosque nuboso en San Miguel Uspantán y Chicamán, Quiché, Guatemala : las reglas de uso como base para la permanencia del bosque” Tesis presentada como requisito parcial para optar al grado de Maestría en Ciencias en Recursos Naturales y Desarrollo Rural, El Colegio de la Frontera Sur, México
 
Tzunux Sanic, C.A. (2009) “Descripción de la gestión colectiva de los recursos comunales en la aldea la gloria, zona Reina, San Miguel Uspantán, el Quiché” Trabajo de graduación, Universidad de San Carlos de Guatemala, Facultad de agronomía


 
 
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