AGTER, une association pour contribuer à Améliorer la Gouvernance de la Terre, de l´Eau et des Ressources Naturelles

URL : http://www.agter.asso.fr/article706_fr.html

Editorial du 8 août 2011

En ce mois d’août 2011, les Nations-Unies et de nombreuses ONG informent le monde de l’évolution de la situation de plus de 12 millions de personnes qui souffrent d’un manque total d’accès à l’alimentation, depuis plusieurs mois, dans l’est de l’Afrique (en particulier en Somalie). Cette situation est épouvantable. De très nombreux enfants meurent, en ce moment-même, parce que leurs familles ne parviennent pas à leur procurer, faute de moyens monétaires, une alimentation dont le prix a brutalement augmenté. Il est inadmissible de faire du hasard du lieu de leur naissance, le responsable du sort odieux qui est le leur.

Une sécheresse particulièrement forte peut bien être désignée comme une cause (de par la baisse locale des productions agricoles qu’elle a engendrée et donc la diminution de l’offre de certains produits alimentaires sur les marchés locaux). Mais elle ne doit pas cacher l’incurie des hommes. Nous sommes tous, collectivement, les premiers responsables du fait que la majorité des agricultures du monde se trouvent aussi vulnérables aux épisodes climatiques extrêmes et aussi défaillantes à garantir un revenu suffisant aux agriculteurs et à leurs familles.

Nous sommes les premiers responsables, politiquement, de ce que les prix agricoles, partout, connaissent une baisse tendancielle continue et des variations conjoncturelles brutales à la hausse sans rapport avec les diminutions de volumes qu’on dit être à leur origine. L’une, comme les autres, appauvrissent les ruraux et les éliminent, progressivement ou par chocs. Résultat : 1 milliard de personnes souffrent chroniquement de la faim (des ruraux pour une très grande majorité d’entre elles).

Pour ne citer qu’un exemple, un très récent rapport du Panel d’Experts de Haut Niveau du Comité de la Sécurité Alimentaire pointe les politiques et règlements qui visent, dans de nombreux pays (dont la France et l’Union européenne, les Etats-Unis...), à substituer des agrocarburants aux combustibles fossiles. Ces politiques conduisent à substituer dans des proportions considérables, des cultures énergétiques à des cultures alimentaires. Mais la mise en concurrence directe des productions agricoles du monde qui est, plus fondamentalement encore, responsable de ces évolutions de prix est elle aussi politiquement (« humainement ») organisée.

Il faut changer de paradigme. C’est ce qu’appelle de ses vœux Robert Levesque après une description détaillée des implications qu’a, pour l’humanité, le mode d’exploitation minier et inéquitable des ressources naturelles qui se généralise aujourd’hui. Nous présentons ce mois-ci « Terre nourricière. Si elle venait à nous manquer », son récent ouvrage consacré à souligner la dimension finie des ressources naturelles, leur caractère de bien commun à l’échelle du monde, les répercussions sur le climat, la pauvreté, la faim, la paix... des pratiques dictées par le critère de rentabilité financière à court terme, celui qu’il faut changer.

Les enjeux attachés à l’utilisation de la terre et des ressources naturelles dont elle est le support, la compréhension des cadres économiques, politiques et juridiques actuels, la construction de propositions alternatives ont été l’objet central des rencontres internationales « Gardarem la terre et la mer » organisées à Nant le mois dernier. La rencontre physique de représentants de mouvements sociaux, de communautés, de chercheurs du monde entier est indubitablement fructueuse pour progresser sur la voie du changement et pour construire des démarches fortes et probantes. Nous vous proposons un premier compte-rendu de certains moments des rencontres : notamment l’enregistrement des conférences données, l’une par José Bové, parlementaire européen, et Serge Fortier des Comités de citoyens contre le gaz de schiste de la vallée du St Laurent au Québec, sur les spoliations des communautés rurales et maritimes et sur le cas des gaz de schiste en France et au Québec et, l’autre, par aGter, sur l’accaparement des terres à grande échelle et le rôle des firmes multinationales.

Mais, si se rencontrer quelques jours pour échanger est indispensable, le travail d’analyse de ces sujets ne peut être pleinement abouti qu’au prix d’échanges de vues plus approfondis. Prendre le temps d’exposer et comprendre des expériences diverses, de confronter les représentations et analyses de chacun, de déconstruire les préjugés, d’inventer des solutions ensemble est d’autant plus nécessaire que ces échanges impliquent des personnes et des organisations d’horizons culturels, sociaux, disciplinaires très différents. Pour aGter, des échanges de cette nature sont de ceux qui ont la plus grande portée sur le changement.

L’association a développé une méthode de voyages d’études dans ce sens (la dernière de nos réunions thématiques était consacrée à la présenter, vous pouvez retrouver sa description en vidéo et un film tiré d’un de ces voyages sur le site web d’agter), et produit à chaque fois qu’elle le peut des supports pour diffuser analyses et propositions (voir la récente contribution d’aGter à la série des « Fiches pédagogiques pour comprendre, se poser de bonnes questions et agir sur le foncier en Afrique de l’Ouest »).

Le monde soufre avant tout du manque d’emprise de l’immense majorité des hommes et des femmes sur les décisions qui nous engagent tous. Les changements nécessaires, pour être à la hauteur des enjeux, ne naîtront pas hors de l’expression de volontés collectives transfrontalières et donc pas hors de véritables débats publics à cette échelle. Les échanges de vues, d’idées, doivent s’ouvrir à toutes les citoyennes et tous les citoyens, aussi infondés à se prononcer puissent-ils paraître aux tenants des conceptions de la « gouvernance » qui dominent aujourd’hui.

L’association aGter comprend elle, au contraire, que l’expertise doit être soumise à la question du public, s’exposer à sa remise en cause, et que les choix sur notre avenir commun doivent être définis par toutes les citoyennes et tous les citoyens à travers le débat collectif et non par quelques-uns, quels que soient les titres dont ils se réclament pour justifier d’être les « décideurs ». Dans cette perspective, les pratiques et connaissances des utilisateurs des ressources naturelles eux-mêmes sont reconnues comme une « expertise ».

Mathieu Perdriault

Chargé de développement, AGTER

Le 8 août 2011


DIVERS

Parmi les autres nouveautés sur le site d’aGter, signalons la transcription des principaux extraits de la conférence que la juriste Monique Chemillier-Gendreau a donnée à l’invitation d’aGter en octobre 2009 (« Le droit international peut-il contribuer à une société mondiale plus équitable ? »), désormais disponible en français et en anglais. Elle constitue un éclairage remarquable des cadres juridiques internationaux et de leurs limites et a été un apport fondamental pour le travail d’aGter.

Les articles et vidéos présentés ci dessous en Français, Espagnol et Anglais sont différents d’une langue à une autre.

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