AGTER, une association pour contribuer à Améliorer la Gouvernance de la Terre, de l´Eau et des Ressources Naturelles

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Fiche G-1. GUATEMALA. La situation de la terre et des forêts

[*Données générales sur le Guatemala*]

Géographie

Le Guatemala est un pays d’Amérique Centrale dont les limites sont le Mexique au Nord, Belize et la Mer des Caraïbes à l’Est, le Honduras et le Salvador au Sud et l’Océan Pacifique à l’Ouest. Au sein du pays, trois grandes régions peuvent être identifiées :

- Une région montagneuse (plus de 4000 mts) et de hauts plateaux (l’Altiplano). Cette région est la plus peuplée du pays et c’est dans cette région qu’habite la plus grande partie de la population indigène. Elle se caractérise par une structure agraire très diversifiée, on y retrouve en effet de grandes exploitations agricoles capitalistes mais aussi de petites exploitations de subsistance. Cependant, au Guatemala, c’est la région par excellence de la petite production familiale paysanne et indigène. Finalement, c’est une région où l’on trouve de nombreuses aires de forêts de petite dimension et essentiellement composées de conifères.

- Les plaines de la côte Pacifique. Cette région se caractérise par des terrains plats, de basse altitude et très fertiles dans lesquels prédominent des grandes plantations, essentiellement de canne à sucre. On trouve dans cette région peu d’espace couvert par des fermes de petites taille ou par de la forêt.

- Les terres basses du Nord et le Petén. Historiquement, il s’agit d’une région de colonisation agraire pour la mise en place de systèmes d’élevage à grande échelle et extensifs. Le Nord de cette région, c’est-à-dire le département du Petén, est couvet par une grande forêt tropicale humide qui fait partie de la Réserve de Biosphère Maya.

Certains indicateurs importants [1]

Démographie
Population 14 376 881 habitants
Fécondité 4 enfants par femme
Croissance démographique 2,5%
Population de moins de 15 ans 42%
Densité de population 134 habitants/km²
Développement
PIB/habitant 4610 US$ PPA
Indice de développement humain 0,560 (position numéro 116 au niveau mondial)
Population vivant avec moins de 1,25US$ par jour 16,9%
Population vivant avec moins de 2US$ par jour 29,8%
Taux de mortalité infantile (enfants de moins de 5 ans) 40‰
Analphabétisme 74%
Espérance de vie 71 ans
Economie
Part du PIB agricole au sein du PIB total 12,4%
Population vivant dans des zones rurales 51%

[*L’importance de l’accès à la terre dans l’histoire agraire du Guatemala*]

Le développement de l’agriculture au Guatemala a été influencé par différents moments historiques importants et se caractérise par le fait que l’accès à la terre a été un facteur fondamental dans le processus de création et d’accumulation de richesses et dans la mise en place des relations de pouvoir entre les différents acteurs de la société.

Une première étape qui explique le développement agricole du pays se situe à l’époque précoloniale. En effet, les populations indigènes du Guatemala avaient une conception très particulière de l’espace, de la terre et de la propriété. La notion de propriété individuelle absolue n’existait pas et, au contraire, la terre et les ressources naturelles dans leur ensemble étaient considérées comme un patrimoine commun sur lequel certains acteurs individuels ou collectifs pouvaient, en tant que membres d’une communauté spécifique, disposer de droits de possession et d’usufruit. Ce système a été bouleversé après la conquête espagnole. En effet, que ce soit sur le terrain (au travers de la conquête militaire) ou dans les lois (avec l’imposition d’un nouveau système légal), la Couronne Espagnole s’appropria toutes les terres de la région, spoliant de ce fait les communautés indigènes de leurs droits historiques sur la terre et les ressources naturelles. Par exemple, une nouvelle forme d’obtenir des droits sur la terre fut légalement introduite. L’Etat espagnol, et plus particulièrement le roi d’Espagne, devint, dans le nouveau cadre légal introduit, l’unique détenteur de tous les droits sur la terre et les ressources naturelles des territoires conquis. Celui-ci pouvait ensuite transférer ou vendre ces droit à d’autres acteurs ; essentiellement des colons espagnols. Il est important de préciser que, au travers de ces processus les droits transférés n’étaient pas seulement des droits sur la terre. En effet, les nouveaux ayant-droits acquéraient également des droits sur toutes les autres ressources se trouvant sur cette terre (y compris les populations indigènes qui y vivaient). Ceci donnait légalement à ces nouveaux ayant-droit un caractère proche de celui de propriétaires absolus de la terre et des ressources. Cependant, la Couronne espagnole transféra également des droits à des communautés indigènes de forme collective sous la forme de terres communales et le soumettant au paiement d’un impôt. Ceci représenta une forme de légaliser une situation de fait existant sur le terrain puisque ces communautés étaient en possession de ces terres depuis des générations. Mais, c’était surtout une façon d’insérer les indigènes dans le système économique colonial (en particulier en tant que main d’œuvre pour les grandes propriétés de colons espagnols). Le résultat du processus de colonisation fut donc la déstructuration des sociétés indigènes préexistantes, en particulier de leur relation avec la terre, la spoliation des droits de ses communautés sur la terres et les ressources naturelles et la mise en place de nouvelles relations de pouvoir au sein desquelles les colonisateurs prirent une position de force alors que les indigènes furent réduits à devenir de simples ouvriers agricoles pour les nouveaux grands propriétaires.

Le Guatemala obtint son indépendance en 1821 mais cela ne correspondit pas à faire pencher la balance des relations de force en faveur des indigènes. A l’inverse, l’indépendance de 1821 correspondit en fait à l’indépendance des secteurs les plus puissants au sein de la société guatémaltèque face à l’Etat Espagnol mais en conservant les relations sociales existant entre ces secteurs et les indigènes. Après l’Indépendance, le nouvel Etat national, qui était donc entre les mains de secteurs non-indigènes, reçut légalement en héritage les droits dont disposait le Roi d’Espagne sur les terres et en particulier la capacité de transférer ces droits à d’autres acteurs. Cela signifia donc la conservation du même système de création de droits depuis le haut, la continuation du processus de spoliation des droits des populations indigènes et la concentration des droits sur la terre entre les mains d’un petit secteur de la société ayant le pouvoir. Entre la fin du XIXème siècle et le début du XXème des nouvelles réformes caractérisées comme libérales, ont renforcé ces mécanismes de domination de certains groupes sociaux. On a notamment vu à cette époque la mise en place de nouvelles formes de travail obligatoire qui ont perduré ont Guatemala jusqu’en 1945. De plus, ces réformes ont servi pour renforcer la position des groupes le plus puissants dans leur lutte pour s’approprier les terres qui leur échappaient encore, c’est-à-dire les terres communales. Ceci s’est effectué au travers de la déstructuration des régimes de propriété existant encore sur les terres communales : privatisation et parcellisation des terres collectives des communautés indigènes, vente des terres en friche, confiscation des terres de l’Eglise. C’est également durant cette période que l’Etat a accordé les premières concessions à des entrepreneurs agro-industriels étrangers.

Ceci a conduit à l’exclusion des secteurs ayant moins de pouvoir (populations indigènes et métisse pauvres) et a rendu impossible le développement d’un secteur agricole familial et paysan. En effet, ce secteur a été dépossédé de ces droits sur la terre et réduit à vivre et travailler dans des exploitations de très petites tailles alors qu’en même temps quelques propriétaires terriens très peux nombreux accumulaient de larges surfaces de terres. Au milieu du XXeme siècle les gouvernements réformistes des présidents Arevalo et Arbenz ont tenté de mettre en marche des changements radicaux pour trouver une solution à cette situation notamment au travers de trois réformes importantes : l’abolition du travail obligatoire dans les zones rurales ; la promulgation d’une loi reconnaissant le concept de prescription acquisitive (c’est-à-dire permettant aux individus ayant travaillé des parcelles pendant dix ans d’obtenir un titre de propriété ‘supplétoire’) ; la tentative de réaliser une réforme agraire (expropriation des terres non utilisées et redistribution e ces terres à des familles). Ce dernier aspect généra une grande mobilisation populaire et l’organisation rapide de groupes paysans dans le milieu rural pour appuyer ces efforts. Cependant, les entreprises agro-industrielles étrangères et les grands propriétaires terriens guatémaltèques réagirent violemment à ces réformes et destituèrent ces gouvernements réformistes. Il en résulta le maintien, voire l’aggravation, de la situation de concentration de la terre et d’exclusion de la majorité de la population indigène et paysanne.

Cette histoire explique en grande partie le violent conflit armé qui a touché le pays entre 1962 et 1996. Cependant, pendant et après le conflit on assista a la mise marche de mécanismes ayant pour objectifs de diminuer la tension existant dans les zones rurales et en particulier des secteurs marginalisés qui y vivaient. L’Etat a ainsi organisé un processus de colonisation des terres considérées encore libres, c’est à dire essentiellement les terres couvertes de forêt dans la partie Nord-est du pays. Ces programmes de colonisation agraire ont existé jusque dans les années 1980 et répondaient à un modèle d’attribution de terres de formes individuelle à des familles paysannes. Cependant, ces programmes n’arrivèrent pas à inverser la situation de grande concentration de la terre, au contraire ils aboutirent à la mise en place de nouveaux processus d’accumulation de ces nouvelles terres agricoles entre les mains de secteurs sociaux non-paysans comme par exemple de grands éleveurs capitalistes ou des membres de groupes sociaux puissant et politiquement influents (militaires par exemple). Enfin, à partir de 1986 l’Etat a introduit une nouvelle politique de redistribution de terres. Celle-ci consistait à acheter des terres au nom de l’État pour les revendre postérieurement à des groupes paysans organisés. Cependant ceci eu un impact quantitatif très limité.

Les accords de paix signés en 1996, après 30 années de conflit armé auraient pu être à l’origine de changements radicaux quant aux politiques liées à l’accès à la terre au Guatemala. En effet, ces accords reconnaissaient explicitement l’importance du problème du foncier et introduisaient des éléments importants pour la reconnaissance de l’existence de systèmes de droits multiples sur la terre et les ressources naturelles. De ce fait, les accords de paix représentaient une avancée fondamentale pour la reconstruction de relations interethniques plus justes au Guatemala. En effet, les accords de paix prévoyaient la restitution des terres communales à leur ayant-droit historiques et la compensation des populations qui avaient perdu leurs droits de propriété à cause du conflit. Cependant la concrétisation de ces accords se fait aujourd’hui encore attendre. Le cadre légal guatémaltèque continue à ne reconnaître comme seuls droits légaux que les droits inscrits au registre public de la propriété et l’Etat continue de mettre en place des politiques publiques répondant au concept que le marché doit être le principal moteur permettant une redistribution de terres. De fait, les processus de redistribution de terres au travers d’une banque de terres publique sont toujours en marche. Cependant, l’Etat joue un rôle qui est chaque jour moins important. Au contraire, il pousse pour que toutes les terres soient caractérisées par un régime de propriété privée et incorporées définitivement dans une économie de marché

En conclusion, il apparait que la structure agraire du Guatemala continue d’être extrêmement polarisée et que les relations sociales et politiques continuent d’être dominées par un héritage colonial fort qui se caractérise para une forte opposition entre populations indigènes et non-indigènes et par la concentration des pouvoirs politiques et économiques entre les mains d’une petite minorité. En particulier, il semble que, ni les politiques de colonisation agraire, ni les politiques utilisant les mécanismes de marché, n’aient réussi à changer radicalement le modèle traditionnel de concentration de la propriété foncière et à résoudre la complexité des problèmes agraires du pays.

[*L’Etat de la terre et des forêts au Guatemala*]

La terre

Le résultat de l’histoire agraire décrite ci-dessus est que le Guatemala se caractérise para un haut degré de concentration de la terre : d’après les données officielles de 2003, le coefficient GINI pour la distribution de la terre est de 0,84. D’autre part, ce haut degré de concentration de la terre s’accompagne du fait que les terres auxquelles les familles paysannes ont accès ont une capacité productive limitée et sont surexploitées. Finalement, la polarisation de la société et l’exclusion de la grande majorité des guatémaltèques des dynamiques de développement économique et des mécanismes de prise de décision politiques conduit à l’existence d’un marché des terres extrêmement fragmenté. Concrètement on peut identifier deux marchés ou s’échangent les droits sur la terre et qui ont peu de relation entre eux : un marché pour les terres des très petits propriétaires terriens, au sein duquel les droits se transfèrent souvent sans aucun document légal, et un marché pour les fermes des grands propriétaires terriens.

Les forêts

37% du territoire guatémaltèque est couvert de forêts. Les aires de forêt peuvent être classifiées d’une manière très grossière en deux catégories principales :

- 1. Les forêts gérées de forme individuelles et se trouvant à l’intérieur de fermes de producteurs individuels

- 2. Les forêts gérées collectivement par une communauté ou un groupe d’individus appartenant à une communauté. Ces forêts peuvent être classifiées en deux sous catégories :

Les nouvelles pressions commerciales sur la terre et les forêts

Dans les dernières années sont apparues de nouvelles pressions commerciales sur la terre et les ressources naturelles au Guatemala. Certaines d’entre elles ont une influence importante sur les droits que détiennent les communautés paysannes et indigènes sur la terre et les ressources naturelles. Parmi ces pressions il est possible d’identifier les grands mécanismes suivants :

• L’accaparement de terres par des investisseurs privés pour la mise en place plantations commerciales à grande échelle (palme africaine et canne à sucre)

• La mise en place d’aires protégées par l’Etat sur des terres ou vivaient des communautés ayant des droits historiques, sans mettre en place aucun mécanisme de consultations (ce qui est pourtant légalement obligatoire dans le cas de territoires indigènes) et en imposant un modèle de gestion qui exclut les communautés et qui, au contraire, transfère les droits de gestion à des entités privées, que ce soit des ONG ou des investisseurs privés. Ce mécanisme est très important au Guatemala ou 50% des forêts du pays se trouvent dans des aires protégées.

• L’accaparement de terres par des investisseurs privés pour mettre en place des projets de conservation de la nature (aire protégées privées), de tourisme ou de vente de CO2, tout ceci avec l’appui de l’Etat et des institutions publiques.

• L’accaparement de terres par les trafiquants de drogue pour réaliser du blanchiment d’argent


Ce document est une des [*FICHES PÉDAGOGIQUES sur la gouvernance forestière*], élaborées dans le cadre d’un projet financé par la Fondation Ford et la Fondation pour le progrès de l’homme, en collaboration avec les partenaires du réseau Rights and Ressources Initiative (RRI), dans deux pays, le Cameroun et le Guatemala.
Ce travail de réflexion collective a vocation à faciliter la compréhension des enjeux centraux autour de la gestion des ressources communes qui sont les forêts et l’appropriation des termes du débat par les acteurs concernés. La possibilité de s’appuyer sur des exemples dérivés des réalités différentes ambitionne à faire évoluer les référentiels et favoriser des propositions et des solutions nouvelles.

Dossier :Gouvernance des forêts au Guatemala Fiche : # 1

Fiche rédigée par : Pierre Merlet (AGTER)

date de redaction : Juin 2011


[*Contenu du dossier sur la gouvernance des ressources forestières au Guatemala*]

Pour approfondir :

Coordinadora Nacional de Organizaciones Campesinas de Guatemala (CNOC) (2005) Propuesta de Reforma Agraria Integral, Guatemala:CNOC
 
Larson, A. (2008) Guatemala country case study Informe para el programa ‘Listening, Learning and Sharing Launch program’, Washington D.C. : Rights and Resources Initiatives
 
Larson, A. y Barrios, J.M. (2006) Descentralización forestal y estrategias de vida en Guatemala, La Paz : Centro para la Investigación Forestal Internacional (CIFOR) y Centro Internacional de Investigaciones para el Desarrollo (CIID/IDRC)
 
Merlet, M. and Mauro A. (2003) Acceso a la tierra y reconocimiento de los derechos sobre la tierra Informe ‘Análisis y perspectivas’, Paris and Roma : IRAM and International Land Coalition
 
Palma Murga, G., Taracena Arriola, A., Aylwin Oyarzun, J. (2002) Procesos agrarios desde el siglo XVI a los Acuerdos de Paz, Guatemala : FLACSO, MINUGUA, CONTIERRA
 
Hurtado Paz y Paz, L. (2008) Dinámicas agrarias y reproducción campesina en la globalización : el caso de Alta Verapaz. 1970-2007, Guatemala : F&G Editores

[1Sources : Banque mondiale et PNUD