[*Ut’z Che’: une histoire récente avec des réalisations importantes.*]
La dynamique qui a conduit à la création de l’Association de Foresterie Communautaire du Guatemala Ut’z Che’ commence en 2001 quand un groupe d’organisations communautaires, avec l’appui d’instances de l’Etat et de la FAO, se réunirent pour réfléchir ensemble sur les programmes de subventions forestières, échangèrent leurs expériences et initièrent à coordonner certaines activités concrètes. Grâce à cette première phase d’échange d’expérience les organisations communautaires purent se connaître et se rendre compte qu’elles faisaient face à des défis communs. L’un de ces défis était le manque de ressources financières pour appuyer les processus de reforestation et de gestion forestière communautaire que les organisations étaient en train de mettre en place. En effet, les programmes publics d’appui à la gestion forestière avaient tendance à privilégier les acteurs privés, en particulier les grands propriétaires terriens, sur les acteurs communautaire.
Un exemple concret de l’existence de ce biais dans les programmes publics, était le Programme d’Incitations Forestières (PINFOR) qui, même s’il appuyait certains acteurs communautaires, avait tendance à exclure les communautés forestières et à profiter prioritairement aux propriétaires terriens ayant des aires forestières importantes [1]. D’un autre côté, les organisations communautaires réalisèrent aussi qu’elles étaient toutes en train de mettre en place de façon indépendante au sein de leurs propres territoires des efforts de plaidoyer mais que ces efforts étaient trop diffus et n’arrivaient pas a avoir une réelle influence pour appuyer le secteur forestier communautaire dans son ensemble.
C’est sur la base de ces processus d’échange d’expérience et de prise de conscience collective qu’est apparu un intérêt commun pour créer une organisation de second niveau qui puisse représenter les communautés forestières. Ceci conduisit certaines organisations à prendre la décision de s’organiser formellement dans le but de surmonter ensemble les défis communs qu’elles partageaient. 16 organisations se réunirent alors en 2006 au sein de l’Association de foresterie communautaire Ut’z Che. Petit à petit, d’autres organisations de tout le pays vinrent s’ajouter et, aujourd’hui, Ut’z Che’ se compose de 34 organisations membres.
Bien que l’histoire de Ut’z Che’ soit courte, l’association se caractérise par de nombreuses réalisations parmi lesquelles on peut souligner les suivantes :
- Ut’z Che’ représente ses organisations membres dans de nombreux espaces publics de prise de décision comme par exemple la table ronde indigène sur le changement climatique, le Conseil National d’Aires Protégées qui est l’organe principal en ce qui concerne l’organisation du système guatémaltèque d’aires protégées (Ut’z Che’ est membre du conseil consultatif des peuples indigènes) ou le groupe promoteur des terres communales.
- Ut’z Che’ a réussi à canaliser des appuis financiers et techniques pour ses organisations de base dans différents domaines : formation, gestion forestière durable, insertion dans des chaines de production/transformation.
- Le travail de plaidoyer réalisé par Ut’z Che’ a joué un rôle important dans la mise en place par l’Etat d’un programme d’incitations forestières destinés aux petits propriétaires de terres à vocation forestière ou agro-forestière (légalement approuvé en 2010). Ce nouveau programme donne une place importante à la participation des organisations communautaires dans la gestion forestières (à l’inverse du programma antérieur, le PINFOR).
[*Ut’z Che’ aujourd’hui*]
Ut’z Che’, qui peut se traduire par ‘Bon arbre’ est une organisation de second niveau qui regroupe 34 organisations communautaires guatémaltèques participant dans la gestion durable des ressources forestières. Les organisations membres d’Ut’z Che’ se trouvent sur tout le territoire guatémaltèque, elles se composent d’associé(e)s appartenant à différents groupes indigènes et métisses et gèrent au total 76000 Ha.
Il existe une grande diversité entre les associations associés à Ut’z Che’. Bien qu’il s’agisse toujours de groupes communautaires organisés, ces groupes ont des histoires et des réalités différentes et appartiennent à des régions et à des groupes ethniques différents. Il en résulte que les formes d’organisation formelle que chacun de ces groupes a choisie sont très différentes. Parmi ces formes d’organisation on trouve des Communautés indigènes, des Parcialidades [2], des communautés paysannes, des coopératives, des Entreprises Paysannes Associatives [3] etdes associations de paysans ou de voisins.
Ut’z Che’ a un double objectif. D’une part, elle représente les intérêts des ses organisations membres dans les différentes espaces sectoriels, professionnels et de prise de décision sur les politiques publiques liées à la gestion des forêts, la gestion environnementale et de le développement rural. D’un autre côté, l’association essaye de renforcer les capacités de ses organisations affiliées en ce qui concerne deux aspects fondamentaux : la gestion communautaire des ressources naturelles et l’organisation. Concrètement, Ut’z Che’ promeut les bonnes pratiques forestières et agricoles, l’accès à des marchés justes, la formation des associés et l’équité entre genres.
Pour atteindre ses objectifs, Ut’z Che’ s’organise de la manière suivante. Il existe une assemblée générale qui se compose des représentants légaux de chacune des organisations associées. Cette assamblée générale prend les décisions et élit un comité d’administration qui est responsable de la mise en application de ces décisions. De plus, Ut’z Che’ compte avec une équipe technique dont le rôle et de mettre en marche des projets au niveau de l’association et d’appuyer directement les organisations associées. Cette équipe technique se distribue au sein de différentes unités de travail : gestion des ressources naturelles, plaidoyer, équité et rénovation du leadership, service de développement entrepreneurial, administration, gestion et durabilité institutionnelle.
[*Quelques réflexions sur le processus d’organisation de Ut’z Che’. *]
Ut’z ‘Che’ présente à ce jour de nombreuses réalisations qui ont été atteintes dans un laps de temps relativement court. Nous présentons plus bas des éléments qui donnent des pistes de réflexions pour expliquer une telle réussite.
La création de Ut’z Che’: un processus récent basé sur des organisations préexistantes ayant su tirer profit d’un contexte favorable.
La plupart des organisations communautaires membres d’Ut’z Che’ existaient avant la création de l’association. Beaucoup d’entre elles avaient même une histoire très ancienne comme par exemple les Communautés indigènes ou les Parcialidad avec des processus organisationnels couvrant de nombreuses années (ou siècles dans certains cas). Cependant, ces processus étaient indépendants entre eux et se limitaient à des contextes géographiques restreints. De fait il existait dans le passé peu d’efforts pour tenter d’unifier ces organisations en un unique groupe au niveau national. La création de Ut’z Che’ a permis l’intégration de plusieurs de ces groupes communautaires en un unique mouvement social forestier.
Cette intégration s’est réalisée dans un contexte créant un environnement favorable à la création d’une organisation de second niveau comme Ut’z Che’. Parmi les facteurs caractérisant ce contexte on peu citer :
- L’existence d’un objectif concret, commun et a court terme qui était la nécessité de trouver des fonds pour financer les initiatives de foresterie communautaire implémentées par les organisations communautaires.
- L’existence d’objectifs communs à moyen et long terme comme par exemple la volonté d’avoir une influence sur les politiques publiques forestières (en particulier les programmes de subventions forestières) pour que celles-ci soient plus en faveur des communautés.
- L’existence de processus d’échange et de réflexion commune impulsés par d’autres acteurs qui a permis que les organisations communautaires se connaissent, partagent leurs expériences et construisent en ensemble une stratégie commune. Ce sont ces mécanismes qui ont servi à mettre en place les fondations de ce qui allait se transformer en Ut’zChe’.
Trois niveaux d’organisation
Le processus organisationnel de Ut’z Che’ se caractérise para l’existence de trois niveaux d’organisation superposés qui si recoupent et se complètent pour permettre la réussite de l’association.
[*Au niveau communautaire: s’organiser entre acteurs semblables*]
Les organisations associées à Ut’z Che’ se caractérisent dans leur majorité para une forte cohésion interne. Cette cohésion à des origines diverses. Par exemple, certaines organisations communautaires se caractérisent par une longue histoire organisationnelle comme c’est le cas des Communautés indigènes et des Parcialidad. Ces organisations ont mis en place au cours de leur histoire des schémas de gestion des ressources naturelles qui leur sont propres et qui sont adaptés aux contextes spécifiques dans lequel ces organisations se trouvent. A l’inverse, d’autres organisations, sont beaucoup plus récentes. Cependant elles se sont construites dans des contextes historiques particuliers qui ont renforcé leur processus organisationnels. L’un des facteurs les plus unificateurs pour ces groupes a été la lutte commune de leurs membres pour avoir accès à la terre. Ceci est en particulier vrai pour les groupes auquel l’Etat a donné accès à la terre de façon collective (par exemple les groupes d’anciens combattants ou de déplacés du conflit armé). Evidemment cela ne veut pas dire qu’il n’y ait pas de conflits ou contradictions internes au sein de chaque groupe. Au contraire, il est incontestable que les relations sociales et de les relations de pouvoir au sein de chaque communauté peuvent entrainer l’exclusion (ou l’inclusion partielle) de certains acteurs aux processus organisationnels.
[*Entre les différents organisations communautaires: s’organiser entres acteurs distincts*]
Il est intéressant de s’attarder sur la diversité des organisations membres d’Ut’z Che’. En effet les organisations associées se différentient par un grand nombre de facteurs tels que : l’histoire, le contexte géographique, l’appartenance ethnique, le type de forêt dont elles disposent, les formes organisationnelles, le type de tenure sur les ressources et les objectifs. En outre, bien qu’elles mettent toutes en place des schémas de gestion communautaire des ressources forestières, elles se caractérisent par des cadres normatifs et des schémas de gouvernance très différents et spécifiques au contexte de chaque organisation. .
Cependant, il existe aussi d’autres aspects qui permettent aux organisations associées de dépasser ces différences et de construire un processus organisationnel commun comme celui de Ut’z Che’. Le fait que toutes les organisations soient liées à la gestion forestière est sans aucun doute l’un de ces facteurs. Mais, le facteur principal semble se trouver dans l’origine rurale et indigène de la majorité des groupes et dans l’état de pauvreté et d’exclusion dans lequel se trouve la plupart des membres des organisations associées.
Ut’z Che’ s’est donc construite sur la base de ces différences et similitudes avec comme objectif que les organisations communautaires puissent participer dans les processus de développement rural du pays et, en particulier, pour que la gestion communautaire forestière soit reconnue comme une option prioritaire dans les programmes et politiques publiques tout en évitant la confrontation avec d’autres secteurs.
[*Avec des acteurs externes non communautaires: s’organiser avec ceux qui ont du pouvoir pour avoir du poids*]
Finalement Ut’z Che’ se caractérise aussi para sa capacité à faire des alliances avec d’autres acteurs ayant du pouvoir dans le but de pouvoir appuyer les groupes communautaires à atteindre leurs objectifs et avoir de l’incidence dans les décisions politiques. Parmi ces acteurs on trouve :
- Des universités guatémaltèques afin de pouvoir faire une relation entre la recherche académique et la mise en place de processus de développement forestier communautaire et de pouvoir rapprocher chercheurs et communautés forestières
- D’autres réseaux nationaux comme l’Alliance Nationale des organisations forestières du Guatemala.
- De réseaux internationaux comme l’Association Coordinatrice Indigène et paysanne de Foresterie Communautaire Centroaméricaine (ACICAFOC), l’Initiative des Droits et Ressources (RRI pour ces initiales en Anglais) ou l’Alliance Globale de Foresterie Communautaire.
- Des acteurs de la coopération au développement, essentiellement des ONG et des bailleurs de fonds internationaux, tel que la Fondation Ford , UICN, la Fondation Soros, le Swedish Cooperative Center ou Global Witness qui ont fourni (et continuent de le faire) un appui financier et technique important, en particulier en ce qui concerne le développement de capacités au sein des organisations de base.
Ce document est une des [*FICHES PÉDAGOGIQUES sur la gouvernance forestière*], élaborées dans le cadre d’un projet financé par la Fondation Ford et la Fondation pour le progrès de l’homme, en collaboration avec les partenaires du réseau Rights and Ressources Initiative (RRI), dans deux pays, le Cameroun et le Guatemala.
Ce travail de réflexion collective a vocation à faciliter la compréhension des enjeux centraux autour de la gestion des ressources communes qui sont les forêts et l’appropriation des termes du débat par les acteurs concernés. La possibilité de s’appuyer sur des exemples dérivés des réalités différentes ambitionne à faire évoluer les référentiels et favoriser des propositions et des solutions nouvelles.
Dossier :Gouvernance des forêts au Guatemala Fiche : # 5
Fiche rédigée par : Pierre Merlet (AGTER) avec l’appui d’UT’Z CHE’
date de redaction : Jullet 2011
[*Contenu du dossier sur la gouvernance des ressources forestières au Guatemala*]
- Fiches générales
- Études de cas d’associations de deuxième niveau
- Études de cas : Diversité de droits, diversité d’ayant-droits et diversité de systèmes de gestion des droits:
- G-ec1 Étude du cas de la Coopérative Nuevo Mexico, Municipalité de San Vicente de Pacaya, Département de Escuintla, Guatemala.
- G-ec2 Étude du cas du village La Gloria et de l’Association de Développement Intégral de "La Gloria", San Miguel Uspantán, Département du Quiché, Guatemala.
- G-ec3 Étude du cas de la parcialidad BAQUIAX, Canton de Juchanep Département de Totonicapán, Guatemala
- G-ec4 Étude du cas de la Société Civile pour le Développement Árbol Verde, Département du Petén, Guatemala.
- G-ec5 Étude du cas de la Coopérative Intégrale de Commercialisation Carmelita, Département du Petén, Guatemala.
|
Pour approfondir:
Elias, S., Garcia, B., y Cigarroa, C. (2008) Diagnostico de la conservación de recursos naturales en tierras comunales – Estudios de casos, CONAP, GPTC, Guatemala
Elias, L. (2008) La Asociación de Forestería Comunitaria de Guatemala Ut’z Che’ (Buen Árbol) Comunicación presentada durante el Encuentro Centroamericano de Organizaciones campesinas y Sociedad Civil -Gestión local de la tierra y sus recursos naturales – ‘Pensando globalmente, actuando localmente’ organizado por el Grupo Tierra Nicaragua en Managua (Nicaragua) en Julio del 2008
Chavez, A. (2011) La Asociación de Forestería Comunitaria de Guatemala Ut’z Che’ Comunicación presentada durante el Encuentro ‘Tierras Comunales, Derechos y Sostenibilidad’, organizado por la Fundación Guillermo Toriello, el Programa de Estudios Rurales y Territoriales (PERT) de la Facultad de Agronomía de la USAC, ActionAid Guatemala, Fundación Mundubat y AGTER en Ciudad Guatemala (Guatemala) en Mayo del 2011