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La lettre d'information du réseau Agter
L'association
AGTER anime un réseau international de personnes, qui
échangent et réfléchissent ensemble à l'amélioration de la
gouvernance de la terre, de l'eau et des ressources
naturelles. Le réseau met à disposition de tous une
sélection d'informations et travaille à la formulation de
propositions et d'alternatives face aux grands défis
actuels. Ce bulletin trimestriel vous présente les dernières
informations proposées sur notre site www.agter.asso.fr.
La
lettre du 24 septembre 2019
La lutte contre la
désertification sous la menace de la finance
internationale
par Denis Pommier
(agroéconomiste, membre d'AGTER)
C'est en 2014 que Sandrine Feydel et Denis Delestrac
ont attiré l'attention du grand public européen sur les
dangers de la financiarisation de la nature dans
l'excellent documentaire "Nature, nouvel eldorado de la
finance" diffusé par ARTE.
"Combien vaut la nature ? Combien peut-elle
rapporter ? La course au profit généralisé et le
marché global ont largement contribué à la crise
écologique actuelle. Pourtant, les mondes de
l'économie et de la finance prétendent renverser la
tendance et sauver la planète en la protégeant à leur
façon, c'est-à-dire avec de l'argent. C'est bien
l'émergence d'un nouveau marché, celui de la
protection environnementale" (Source : Nature,
nouvel eldorado de la finance).
Que les spéculateurs soient avides d'exploiter de
nouveaux filons n'étonnera personne. En revanche, que
les gouvernements de la majorité des Etats de la planète
valident leurs thèses et les appellent à la rescousse
pour sauver les terres agricoles est extrêmement
préoccupant.
En effet, lors de la 14ème Conférence des Parties
(COP14) de la Convention des Nations Unies sur la Lutte
Contre la Désertification (UNCCD) qui s'est tenue à New
Delhi en septembre 2019, sont de nouveau apparues dans
les textes officiels des injonctions claires en faveur
de la mobilisation d'investisseurs privés pour faire
face au désastre croissant de la dégradation des terres
agricoles dans le monde. Parmi les nombreux objectifs
retenus, il s'agit notamment "d'encourager le secteur
privé à investir de façon responsable et durable
dans la remise en état, la conservation et la
bonification des terres et dans le développement des
moyens de subsistance, ainsi que d'étudier les moyens
d'élaborer un modèle économique dans lequel des fonds
publics pourraient entraîner un accroissement de
l'investissement privé " (source UNCCD).
Outre le risque de voir les fonds publics être
subordonnés aux intérêts de grands investisseurs privés,
il apparaît clairement que la Gestion Durable des Terres
(GDT) est appelée à devenir un nouveau marché, une
aubaine pour faire des profits. C'est ce que certains
appellent "impact investing", une notion en
apparence généreuse, qui en pratique, apporte des fonds
publics au développement de grandes entreprises privées.
(source IFC)
A l'issue de cette conférence, les 196 Etats membres de
la UNCCD se sont engagés à la Neutralité en matière
de Dégradation des Terres (NDT), plus connue sous
son appellation anglophone de Land Degradation
Neutrality (LDN), d'ici 2030. Selon les propres
termes utilisés lors de la COP14, il s'agit "de
revoir les politiques de développement, y compris les
politiques d'utilisation des terres et les pratiques
agricoles, afin de promouvoir une régénération
écologique à grande échelle", mais aussi de "suivre
les Directives
volontaires pour une gouvernance responsable des
régimes fonciers applicables aux terres, aux
pêches et aux forêts pour gérer les effets
des mesures de NDT sur les régimes fonciers" et
enfin, "d'inscrire la sécurité foncière dans les
stratégies nationales pour atteindre la NDT"
(source : UNCCD). Que vaudront ces beaux principes, dès
lors que la responsabilité de la financiarisation de
l'agriculture dans les processus d'exclusion des
paysanneries et de dégradation des terres (par la
déforestation pour les plantations, via l'agriculture
intensive) n'est pas reconnue, et que cette même
financiarisation est promue comme une des solutions ?
Quels seront les modalités de rentabilisation des
capitaux investis et comment peuvent-ils être
compatibles avec cet appel à la sécurisation foncière
des agriculteurs ?
Il est frappant que la question de l'insécurité
foncière se soit retrouvée de fait au centre de la
réflexion menée durant la COP14, alors que la question
majeure de l'accès insuffisant au foncier agricole pour
les paysans n'est pas mise en évidence. Comment ignorer
que le scandale insupportable de la faim pour près de 2
milliards d'individus (ceux qui ont faim tous les jours
comme ceux qui n'arrivent pas à se nourrir en fonction
de leurs besoins) est étroitement lié à un accès
inéquitable de la terre pour les paysans ? En effet, les
¾ de ceux qui souffrent de la faim sont des familles
paysannes, avec un accès nul ou insuffisant à la terre.
La COP14 a donc mis en avant l'insécurité foncière sans
inclure la brûlante question des inégalités dans l'accès
au foncier.
Philippe Lavigne Delville, directeur de recherches à
l'IRD et membre d'AGTER, récemment invité dans
l'émission "C'est pas du vent" d'Anne Cécile Bras
sur RFI (voir article ci-dessous) nous rappelle que "l'essentiel
de l'investissement dans les terres agricoles est fait
par les paysans, en travail plutôt qu'en capital ou en
argent", et que dès lors "qu'ils sont dans des
conditions économiques viables, les agriculteurs sont
les meilleurs protecteurs de la nature".
Le raisonnement qui sous-tend la mobilisation de
capitaux privés pour investir dans la remise en état de
terres dégradées est celui de la concession foncière
pour 20, 40, 50 ans ou plus afin ensuite de les louer à
de nouveaux producteurs. Or, il est clair que "les
taux de rentabilité que cherchent les investisseurs
internationaux sont incompatibles avec ce qu'on peut
attendre de contrats de location de terre à des
paysans". Cette nouvelle orientation porte donc
le risque d'amplifier l'accaparement des terres
agricoles par un nombre toujours plus faible d'acteurs
extérieurs au monde rural, ce qui ne manquera pas de
renforcer "la logique de dépossession des
agriculteurs familiaux au profit d'une
financiarisation de l'agriculture et de
l'environnement".
Divers
En lien avec l'éditorial du mois de septembre, vous
trouverez un article renvoyant vers l'intervention
récente de Philippe Lavigne Delville sur RFI, ainsi que
les traductions vers l'anglais de la synthèse de
l'atelier de décembre 2017 sur la fixation du carbone
dans les sols, et des conclusions de la table ronde qui
y avait abordé les liens avec les politiques publiques
(2 textes déjà disponibles en français sur www.agter.org).
Nous attirons particulièrement votre attention sur deux
autres documents proposés ci dessous :
le premier résultat du chantier
de réflexion mené en 2018 au sein du Comité technique
Foncier et Développement sur l'évolution des structures
agraires dans le monde et l'accès des jeunes à la terre,
co-animé par AGTER : un numéro spécial de la revue Regards
sur le foncier autour de l'accès des jeunes à
la terre qui regroupe une revue bibliographique et 7
articles sur la gestion intrafamiliale du foncier.
la publication du livre de
Dominique Potier, Pierre Blanc et Benoît Grimonprez La
terre en commun.
article(s)
français espagnol anglais -
vidéo
espagnol
anglais
article(s)
Structures agraires et accès des
jeunes à la terre : gestion intrafamiliale du foncier et
stratégies d'autonomisation des jeunes. Revue Regards sur le
foncier # 7
15 septembre 2019, par Michel
Merlet, Robert Levesque, Amel Benkahla, Charline Rangé,
Jean-Luc Paul
Ce numéro de la revue Regards sur le foncier constitue un
des produits de la réflexion collective menée par le
Comité Technique Foncier et Développement pendant l'année
2018. Ce chantier de réflexion sur l'évolution des
structures agraires et l'accès des jeunes à la terre a été
animé par AGTER et SCAFR-Terres d'Europe. Il a mobilisé
des chercheurs, des membres d'organisations paysannes et
des praticiens de plusieurs continents lors de plusieurs
rencontres. Les articles publiés dans ce numéro de la
revue sont issus des communications présentées lors des
journées d'études de Juillet 2018, complétés par une
préface de Jean-Luc Paul, anthropologue et une revue
bibliographique préparée par Charline Rangé, agronome.
Le casse-tête du droit foncier en
Afrique. Philippe Lavigne Delville, invité d'Anne-Cécile
Bras, dans l'émission "C'est pas du vent ?" RFI
14 septembre 2019, par Philippe
Lavigne Delville
Une émission très intéressante, à écouter entièrement sur
le site de RFI, L'extrait que nous reprenons ici pointe le
risque de nouveaux processus de dépossession des paysans
au travers de la promotion d'investissements privés pour
la "remise en état, la conservation et la bonification des
terres".
Table-ronde "Dépossessions
foncières : entre pression et oppression. 20/09/2019.
11h-12h30. Festival des Tropikantes.
3 septembre 2019
Débat dans le cadre du FESTIVAL LES TROPIKANTES organisé
par les étudiant.e.s de l'IEDES (Université Paris 1 - La
Sorbonne) au Jardin d'agronomie tropicale de Paris, Nogent
sur Marne, et à l'occasion de la parution du dossier
thématique de la Revue internationale des études du
développement et présentation de travaux d'étudiantes du
module "Tensions foncières" (master 1) animé par
différents membres d'AGTER. (compte rendu à venir)
La terre en commun. Plaidoyer pour
une justice foncière
1er septembre 2019, par Dominique
Potier, Pierre Blanc, Benoît Grimonprez
Publication de la Fondation Jean Jaurès, accessible en
ligne, qui traite de la concentration, la dégradation
voire parfois la prédation des terres agricoles en
confrontant trois regards, la géopolitique, le droit et la
réflexion politique. Les auteurs posent les bases d'un
projet politique fondé sur la redéfinition de la terre
comme "bien commun", capable de faire face aux enjeux
mondiaux de l'alimentation pour tous et du changement
climatique.¯
Intéressant appel à contributions de
la revue algérienne Insaniyat sur plusieurs pays et
continents. Les paysanneries et les ruralités d'aujourd'hui
17 juillet 2019, par Omar
Bessaoud
Un appel à contributions qui embrasse une aire
géographique très vaste, puisqu'il ne concerne pas
seulement l'Algérie, mais aussi les pays du Maghreb, ceux
du monde arabe, d'Europe et du continent sud-américain.
Date limite des propositions concernant d'autres régions
que l'Afrique du Nord repoussée à fin septembre.
Nicaragua en crisis frente a un
incierto futuro en la gobernanza de la tierra
15 septembre 2019, par Daniel
Chillon-Olmos
Repaso de las principales tendencias de concentración y
expansión del agro-negocio en América Central e insumos
sobre las posibles consecuencias que la crisis
socio-política que vive Nicaragua desde abril del 2018
podrá tener sobre esas tendencias.
Un acercamiento a los procesos de
transferencias de tierra a gran escala en Centroamérica
14 septembre 2019, par Pierre
Merlet, Elizabeth Espinoza, Carmen Collado-Solis
Un análisis para los países de América Central de los
datos proporcionados por la plataforma digital Land
Matrix, cuyo objetivo es de monitorear los procesos de
inversiones en tierras a gran escala a nivel global.
Soil Carbon Sequestration and Land
Systems : links with institutional environment and public
policies. Workshop Land Tenure and Development' Technical
Committee and 4 for 1000' Initiative
22 septembre 2019, par Michel
Merlet
The 4 for 1000 initiative should not be limited to a sum of small
projects. It has a transcendental character in that it
recognizes that soils are a global commons. Exclusive and
absolute ownership of soil is not compatible with the
recognition of it as a commons, necessary for the survival
of humanity. The recognition of the rights of communities
is necessary, so that governance systems can be set up at
different levels, local, regional, national and global.
The 4 for 1000 initiative should contribute to the evaluation of
policies, and to move towards binding measures whenever
land, natural resources and climate governance are
concerned.
Land systems and mechanisms for soil
carbon sequestration. Summary Paper # 27 of the Land Tenure
and Development' Technical Committee
22 septembre 2019, par Alain
Karsenty, Jean-Pierre Chauveau, Michel Merlet, Camila
Toulmin, Aurore Mansion, Sandrine Vaumourin
This paper develops the themes discussed at a high-level
meeting organised by the ‘4 for 1000 Initiative and
French Cooperation Land Tenure and Development Technical
Committee on 13-14 December 2017 with support from AFD and
the World Bank.
vidéo
El manejo comunitario del bosque por
la comunidad indígena Kasepuhan Pasir Eurih (Banten,
Indonesia)
30 août 2019, par Diego Laforge
¿Como el manejo consuetudinario del bosque por una
comunidad indígena, en conflicto por la tenencia de
tierras con diferentes actores desde la colonia holandesa,
asegura la sostenibilidad del sistema agrario ? Un video
de 3 minutos sobre un ejemplo en Indonesia.
The customary management of the
forest by Kasepuhan Pasir Eurih indigenous community
(Banten, Indonesia)
30 août 2019, par Diego Laforge
How does the customary management of the forest by an
indigenous community in Indonesia, in land tenure conflict
with successive stakeholders since the Dutch colony,
ensure the sustainability of the agrarian system ? A 3
minutes video.
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