Respectez la liberté d’expression des citoyens et arrêtez de proférer des menaces contre les personnes qui refusent de céder leurs terres
Suite à une transaction en juillet 2015 avec Mme RANDRIANASOLO Mamy Estelle, détentrice du permis d’exploitation artisanale PRE n° 38642, la société canadienne DNI METALS a commencé les travaux de prospection sur le terrain en avril 2017 dans le village d’Ambatolampy, un hameau de quelques centaines d’habitants situé dans le Fokontany de Vohitsara, Commune rurale d’Ambinaninony, District de Brickaville, Région Atsinanana.
LES FAITS
Pour les besoins de ses travaux d’exploration et de recherche, la société DNI, qui n’est pas un « petit exploitant », a abattu très rapidement les arbres et détruit les récoltes. La société se vante d’avoir réalisé la construction d’infrastructures (route, points d’eau) qui sont en fait nécessaires à ses propres travaux mais n’a pas tenu compte de l’avis de chacun des propriétaires des terrains concernés.
Les habitants se plaignent et contestent, informent les originaires du village partis vivre en ville et à l’étranger, alertent les organisations de la société civile et de défense des droits de l’homme de la région et dans le monde. Le 4 septembre 2017, la Solidarité des Intervenants sur le Foncier - SIF – publie une « Lettre ouverte à Messieurs le Secrétaire d’Etat à la Gendarmerie Nationale, le Commandant du Groupement de Toamasina et le Commandant de Compagnie de Brickaville » pour dénoncer la violation des droits de propriété individuelle effectuée par la société DNI, droits reconnus par l’article 34 de la Constitution de Madagascar, et d’autres irrégularités par rapport aux dispositions du Code Minier [1]. Le 12 septembre, l’ONG canadienne Mining Watch adresse une lettre à la société canadienne DNI METALS pour appuyer les revendications des agriculteurs qui demandent l’arrêt des travaux miniers qui ont eu lieu sur leurs terres sans leur consentement dans de nombreux cas, et l’augmentation du montant des dédommagements [2].
L’étude des faits et de la chronologie des évènements par les uns et les autres finit-elle par convaincre la société de l’injustice et de l’illégalité de certains de ses agissements ? Des responsables de la société DNI METALS rencontrent la communauté locale d’Ambatolampy à plusieurs reprises au mois de Juillet et les discussions sur la « compensation » des habitants suite aux dégâts subis par les activités de prospection de la société durent jusqu’à présent. La société DNI déclare pourtant dans sa lettre à l’ONG Mining Watch ne pas avoir de conflit avec les habitants (3). Des villageois déclarent se sentir obligés de signer un contrat avec la société, d’autres continuent à refuser en soulignant le caractère inacceptable de la situation, des méthodes appliquées et de la spoliation de leurs droits.
Certaines affirmations publiées dans des articles de presse méritent une vérification rigoureuse sur le terrain : la société DNI emploie-t-elle réellement 80% de la population locale ? De nombreuses familles d’Ambatolampy ont refusé de venir à la séance de distribution de kits scolaires par la société DNI.
Par contre, l’un des aspects importants du conflit qui ne semblent jamais abordés dans les articles favorables à la société minière concerne les contrats signés par la société minière avec des villageois dont la plupart sont des propriétaires possédant un document légal :
La notion de « location » du terrain n’est pas mentionnée du tout, la durée et le montant de la location proprement dite ne sont donc pas explicités ;
la durée de la mise à disposition du terrain n’est pas précisée mais décrite comme étant « le temps que dureront les travaux de la société » (« mandritra ny fotoana iasan’izy ireo ») ;
dans le même contrat figure une sorte d’engagement à travailler pour la société et/ou une promesse de travail de la part de la société sans aucun détail sur les conditions de travail, le type de travail, le salaire ni la durée.
Par ailleurs, diverses autorités qui ont probablement pris des engagements forts vis-à-vis de la société minière continuent d’agir sur le terrain pour amener l’ensemble des communautés locales à accepter le projet minier. Pour cela, divers moyens ont été mis en œuvre au cours du mois de Septembre :
l’organisation de séance de réconciliation des habitants dirigée par les chefs coutumiers tangalamena ;
des astuces verbales de la part de certaines autorités telles que « pour nous permettre de mieux défendre vos intérêts, arrêtez de parler et de contester » ;
et surtout des menaces d’emprisonnement proférées aux personnes qui ont refusé de céder leurs terres « au cas où elles continueraient à agir ou à parler ».
NOS QUESTIONS et NOTRE APPEL
Les principaux faits présentés ci-dessus suscitent des questions concernant le respect des lois de la République de Madagascar :
qui a décidé que cette « grande société canadienne d’envergure internationale » pouvait devenir titulaire du permis PRE destiné uniquement aux petits exploitants, aux personnes physiques de nationalité malagasy ou aux groupements d’individus de nationalité malagasy, selon le Code minier en vigueur ?
quel numéro porte le permis de recherche qui a été prolongé du 20 juin 2017 au 20 décembre 2017 par le certificat daté du 11 juillet 2017 délivré par Monsieur le Directeur Interrégional des Mines de Toamasina ?
quel(s) article(s) du Code minier utilisent les responsables lorsqu’ils cherchent à transformer en permis d’exploitation industrielle le PRE actuel, selon la lettre de Monsieur le Secrétaire d’Etat chargé de la Gendarmerie au Président de la Plateforme SIF datée du 21 septembre ?
Pendant que des habitants continuent à refuser de céder leurs terrains, même en échange de compensation, le Collectif TANY appelle les citoyens du monde, de tous les pays et de tous les continents à :
signer la pétition lancée par SumOfUs pour que le projet minier de la société DNI METALS s’arrête définitivement [3] ;
protester énergiquement contre les intimidations et menaces subies par les citoyens d’Ambatolampy et de Vohitsara qui ne commettent aucun crime ni infraction mais défendent leurs biens, leurs terres ancestrales et leurs droits ;
soutenir les défenseurs de la terre et de l’environnement en se tenant prêts à manifester une solidarité de diverses manières en toutes circonstances.
Le Collectif TANY tient à rappeler que la liberté d’expression est un principe de l’Etat de droit garanti par l’article 10 de la Constitution en vigueur à Madagascar et un droit fondamental reconnu par différents traités internationaux que la République de Madagascar a ratifiés.
Paris le 02 octobre 2017,
Le Collectif pour la défense des terres malgaches – TANY
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