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puce Situation toujours préoccupante des terres malgaches en 2014
Les propositions du Collectif TANY

Les membres du Collectif TANY vous adressent leurs meilleurs vœux pour l’année 2015.

L’année 2014 avait démarré avec une vague d’espoir : celle d’une amélioration des conditions de vie pour les Malgaches après la tenue des élections présidentielles et législatives. Un an après, il nous semble important de revenir sur les principaux faits marquants dans le secteur du Foncier et de mesurer leur impact sur les décisions à venir.

Quelles sont ces terres malgaches ‘disponibles’ ?

D’emblée, les tous premiers pas du nouveau président élu malgache ont suscité une profonde inquiétude quant à ses intentions dans le domaine du Foncier. Lors de trois déplacements en France, en Afrique du Sud et en Israël, son équipe a lancé des appels insistants aux investisseurs pour occuper les “18 millions d’ha de terres arables disponibles” à Madagascar [1].

Ces faits ont provoqué à Madagascar et dans le monde des réactions d’indignation : des terres « disponibles pour qui ? ». De plus, la superficie évoquée a soulevé de sérieux doutes. Comment a été évaluée cette superficie ? Les données d’origine satellitaire peuvent manquer de précision, d’autres méthodes peuvent surestimer l’étendue des terres « cultivables » [2]. On qualifie quelquefois de “disponibles” des terres qui sont en réalité occupées par des familles ou utilisées comme pâturages par des communautés locales.

Transparence et redevabilité

En juillet 2014, un arrêté a suspendu jusqu’au 31 décembre l’attribution de terrains du domaine privé de l’Etat, titré ou non titré, quel que soit le mode de cession, au profit des personnes privées, ainsi que toute attribution au profit de particuliers d’immeubles communaux, régionaux et provinciaux [3]. La raison invoquée : un inventaire du domaine privé de l’Etat en cours de réalisation.

Mais en octobre, des participants à un Forum dans le cadre de la semaine du Foncier à Antananarivo se demandaient si le développement de la notion de « réserves foncières » par une responsable du Ministère de l’Aménagement du territoire ne visait pas une préparation de l’opinion publique à une attribution massive de terrains à des investisseurs nationaux et étrangers. Dès la mi-décembre, la promotion des terres auprès des investisseurs a repris et des appels à manifestations d’intérêts ont été lancés [4].

Les autorités malgaches insistent souvent dans leur argumentaire sur le fait que les terres ne sont pas vendues mais louées. Sur la base de réalités constatées dans le monde et à Madagascar [5], le Collectif TANY réitère que les conséquences sur les populations de la location de terres de longue durée, ou bail emphytéotique, sont identiques à celles des ventes : la perte pendant des dizaines d’années de l’accès à la terre, des sources de revenus, des bases de la culture et des bassins de vie des paysans et citoyens malgaches impactés : une spoliation de leurs droits humains due aux accaparements de terres.

Le Collectif TANY réclame depuis plusieurs années une transparence sur l’état des lieux des terrains de l’Etat vendus aux sociétés et particuliers, nationaux ou étrangers, ainsi que sur les contrats de location de terrains de vaste surface, car diverses transactions sur les terres sont opérées à Madagascar de manière opaque [6].

A l’instar de la déclaration de patrimoine sur leurs biens personnels demandée aux responsables étatiques, dans le cadre de la bonne gouvernance, nous réclamons un état du patrimoine national, en termes de terres malgaches, des terrains vendus, loués et concessions attribuées. Un affichage sur Internet comme le font déjà certains pays facilitera la visibilité et la mise à jour régulière des données.

L’Etat gère ses terrains pour le compte de l’ensemble des citoyens, il est donc redevable devant les citoyens. Chaque citoyen malgache est en droit d’être informé et de s’exprimer sur ce qui advient des biens gérés par l’Etat et sur les projets les concernant.

Réforme foncière et décentralisation de la gestion des terres

Une cérémonie officielle pour le lancement du processus de consolidation de la politique foncière malagasy a eu lieu à Antananarivo le 17 juin 2014.

En effet, le système colonial avait mis en place le procédé de l’immatriculation des terres et la nécessité de l’acquisition de titres fonciers pour permettre notamment aux colons d’être propriétaires de terrains à Madagascar, comme dans d’autres pays d’Afrique [7]. Au moment de l’indépendance, la gestion des terres a été transférée à l’Etat malgache et le principe de la présomption de domanialité a régi la gestion foncière : l’Etat était présumé être le propriétaire de tout le territoire.

Une réforme foncière a été mise en place en 2005, dont « les points les plus significatifs » sont :

- la création de plusieurs statuts des terres : les terrains publics ou privés de l’Etat, les propriétés privées titrées et les propriétés privées non titrées (PPNT) ainsi que les terrains à statut spécifique,

- « la gestion décentralisée des terres,

- la reconnaissance des droits d’occupation et de jouissance comme une forme de propriété » [8]

- et la possibilité pour les occupants des PPNT de demander auprès des guichets fonciers communaux, l’attribution de certificats fonciers, plus accessibles que les titres qui sont délivrés par les services fonciers [9].

Dès juillet 2014, la publication de deux arrêtés ministériels a conduit l’organisation de la société civile malgache Solidarité des Intervenants sur le Foncier - SIF - à transmettre une lettre au Ministre de l’Aménagement du Territoire pour dénoncer l’absence de Maires dans la Commission de délimitation des réserves foncières [10].

Par ailleurs, des acteurs du Foncier s’interrogent sur la légalité de la décision interdisant la « procédure d’instruction des certificats fonciers jusqu’à l’établissement par la commune concernée [..] du Schéma d’Aménagement Com- munal » (3). Et pour cause, la formalisation du droit de propriété des occupants reconnue par une loi [11] ne peut pas être remise en cause par un arrêté ministériel.

De plus, les lois sur la décentralisation votées par le Parlement en septembre 2014 ne mentionnent ni les guichets fonciers ni les compétences des Maires dans la délivrance de certificats fonciers [12].

Ce non-respect de la hiérarchie des normes juridiques et ces omissions sont manifestement le signe d’un retour en arrière vers une gouvernance foncière centralisée par l’Etat.

Pour une meilleure gouvernance des terres malgaches

Les conflits fonciers, dont certains ont provoqué des expulsions des familles de terrains où elles avaient vécu depuis de nombreuses années ont continué au cours de l’année 2014, dans les zones rurales et urbaines [13].

La presse a évoqué à plusieurs reprises, que la corruption sévissait dans les services des Domaines [14]. L’existence de de pages déchirées - ou arrachées - du Livre Foncier, seule source originale fiable des titres fonciers, est devenue un phénomène national [15]. Malgré les révélations de nombreuses malversations et irrégularités, aucune action ferme n’a été entreprise. Les enquêtes annoncées n’ont débouché sur aucune conclusion publique ni mesure efficace.

Dans le cadre du débat sur les titres et certificats fonciers, un audit des certificats fonciers a été évoqué. Le Collectif TANY propose une réflexion sérieuse sur une méthode efficace d’audit complet de tous les titres et certificats fonciers par une structure compétente et indépendante. Un tel audit s’impose pour vérifier le processus d’acquisition de chacun de ces documents et leur validité, afin de procéder à une mise à jour crédible des informations foncières et d’améliorer la gouvernance foncière à tous les niveaux.

L’aménagement du territoire est inséparable des préoccupations foncières car les terres constituent l’espace où se déroulent de nombreuses activités liées au développement, telles que les activités agricoles, extractives, touristiques, etc. Mais les terres sont surtout le socle des rapports entre les hommes et doivent avoir leur identité et leur spécificité propres. Le Foncier doit faire l’objet d’une vision, d’une politique et d’une stratégie réfléchies.

Il est temps que les principes de l’Etat de droit, ce concept proclamé par les dirigeants malgaches et la société civile, soient introduits et réellement vécus dans le secteur du Foncier : transparence, redevabilité, mais aussi égalité d’accès et de considération des riches et des pauvres face à la justice et vis-à-vis du respect des droits humains.

Le Collectif TANY réitère que la politique et la réglementation foncières à Madagascar nécessitent une amélioration dans le sens des intérêts de la majorité de la population.

A cet égard, l’intégration des principes des Directives volontaires pour une gouvernance responsable des régimes fonciers applicables aux terres, aux pêches et aux forêts dans le contexte de la sécurité alimentaire nationale, approuvées par le Comité de la sécurité alimentaire mondiale en mai 2012 [16], constitue l’une des voies à approfondir en urgence pour la réalisation de cet objectif.

Ces “directives volontaires“ recommandent en particulier la reconnaissance légale des droits fonciers coutumiers légitimes au niveau de chaque pays et “visent à apporter une sécurité foncière et un accès équitable à la terre, aux pêches et aux forêts, dans le but d’éliminer la faim et la pauvreté, de soutenir le développement durable et d’améliorer la gestion de l’environnement“.

Paris, le 31 janvier 2015

Le Collectif pour la défense des terres malgaches - TANY

patrimoine.malgache@yahoo.fr

http://terresmalgaches.info

http://www.facebook.com/TANYterresmalgaches 



[3Arrêté n° 24731-2014 fixant les mesures relatives à la gestion du domaine prié de l’Etat du 31 juillet 2014, (art. 2)

[5Re-common, SIF, TANY, Accaparements de terre à Madagascar - Echos et témoignages 2013 : http://terresmalgaches.info/IMG/pdf/Rapport_Accaparements_de_terres_Madagascar_2013.pdf

[8loi 2005-019 du 17 octobre 2005 fixant les principes régissant les statuts des terres

[10Arrêté n° 24730/2014 du 31 juillet 2014 instituant la Commission de délimitation des réserves foncières du domaine privé de l’Etat

[11Loi 2006-031 fixant le régime juridique de la propriété foncière privée non titrée

[12Loi 2014-018 régissant les compétences, les modalités d’organisation et de fonctionnement des Collectivités territoriales décentralisées, ainsi que celles de la gestion de leurs propres affaires et loi 2014-020 relative aux ressources des Collectivités territoriales décentralisées, aux modalités d’élections, ainsi qu’à l’organisation, au fonctionnement et aux attributions de leurs organes : http://www.mid.gov.mg/

[15Mise en marche du processus de consolidation http://www.observatoire-foncier.mg/article-103/

[16« Les directives ont été mises au point dans le cadre d’un processus de consultation inclusif lancé en 2009 par la FAO. Elles ont ensuite été finalisées par des négociations intergouvernementales menées par le CSA et faisant intervenir des responsables des gouvernements, des organisations de la société civile, des représentants du secteur privé, des organisations internationales et des universités. »Communiqué de presse sur l’adoption des Directives volontaires : http://www.fao.org/news/story/fr/item/142613/icode/ Pour lire ou télécharger le document complet : http://www.fao.org/docrep/016/i2801f/i2801f.pdf

 
 
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