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La lettre d'information du réseau Agter
L'association AGTER anime un réseau international de personnes, qui échangent et réfléchissent ensemble à l'amélioration de la gouvernance de la terre, de l'eau et des ressources naturelles. Le réseau met à disposition de tous une sélection d'informations et travaille à la formulation de propositions et d'alternatives face aux grands défis actuels. Ce bulletin trimestriel vous présente les dernières informations proposées sur notre site www.agter.asso.fr.
La lettre du 22 juin 2018
Grands projets d’irrigation et modèles agricoles
par Hubert Cochet
La plupart des grands projets d’irrigation aujourd’hui promus par les pouvoirs publics et les bailleurs de fonds (souvent en partenariat public/privé), et censés contribuer à la fois au développement de l’agriculture dite d’entreprise et de l’agriculture familiale, institutionnalisent de facto une sorte de dualisme agricole.
Outre que ce dualisme exprime d’abord un rapport de force, il est aussi porteur de contresens multiples et révèle une immense incompréhension de l’économie agricole réelle. On continue, envers et contre tout, à opposer une agriculture « commerciale » à une agriculture « familiale » comme si les agriculteurs familiaux n’étaient pas eux-mêmes, et depuis très longtemps, intégrés aux échanges marchands et comme si une partie significative de leur production n’était pas destinée à être vendue …. Et l’on continue à opposer les « investisseurs », entendez « privés » (le « secteur privé ») aux agriculteurs familiaux comme si ces derniers n’étaient pas eux-mêmes des acteurs privés et par ailleurs susceptibles d’investir.
Par ailleurs, ces projets, dont le volet « privé » repose sur des exploitations de grande taille, souvent spécialisées dans une seule production, faisant largement appel aux intrants de synthèse et ayant recours exclusivement sur la main d’œuvre salariée, se fondent presque tous sur 2 hypothèses rarement questionnées.
1/ ces grandes exploitations seraient plus performantes économiquement … ceci reste à démontrer au cas par cas …, et surtout, selon quels critères économiques serait mesurée cette « performance » ? La capacité à prendre des parts de marché à l’international (la fameuse « compétitivité ») ? La rentabilité financière des capitaux investis ? La création de valeur ajoutée ? La productivité du travail ? Celle de la terre ? La création d’emplois ?
2/ Ces investisseurs apportent des capitaux au secteur agricole, capitaux dont ce secteur aurait grand besoin. Mais apportent-ils vraiment du capital d’exploitation ? Quels capitaux et comment ? Quand ?
Tordre le coup à ces oppositions dénuées de tout sens - commerciale/familiale, secteur privé/agriculture familiale – et questionner les deux hypothèses ci-dessus permet en revanche de mettre le doigt sur les différences fondamentales qui séparent bien ces deux types d’agriculture.
Un entrepreneur – ou un actionnaire - qui investit du capital dans l’agriculture, plutôt que dans un autre secteur de l’économie, regarde d’abord la rentabilité financière de son investissement, c’est-à-dire la capacité de son investissement à rémunérer les porteurs de capitaux. Il faut alors augmenter la productivité du travail (notamment grâce à la motorisation) et réduire au maximum les coûts, sachant que dans ce genre d’exploitations agricoles reposant exclusivement sur la force de travail salariée, le travail est considéré comme un coût …. Il s’agit dès lors de réduire au maximum la masse salariale : diminution de la main d’œuvre, accroissement de la flexibilité des travailleurs et précarisation, pression à la baisse sur les salaires, etc… L’efficacité financière peut alors être au rendez-vous, mais beaucoup plus rarement l’efficacité économique, si l’on mesure celle-ci à l’aune de la valeur ajoutée créée ou de la productivité de la terre (valeur ajoutée nette par unité de surface). Quant à la répartition de la valeur, elle se fait toujours au détriment des travailleurs et de l’emploi.
Dans l’agriculture familiale au contraire, c’est le revenu agricole qui compte le plus. C’est ce revenu (la part de valeur ajoutée qui revient au producteur, éventuellement augmentée des subventions perçues) qui lui permet de faire vivre sa famille et, si possible, d’investir pour accroître son capital. Lui aussi cherchera à accroître la productivité de son travail et celle des membres de sa famille qui participent aux travaux ; mais le travail n’est pas un coût en tant que tel. Ce que l’on cherche à réduire, c’est sa pénibilité, pas son coût monétaire ! L’intérêt de ces agriculteurs est donc bien à la fois d’accroître la productivité du travail et de faire en sorte que la plus grande part de la valeur ajoutée produite soit affectée à la rémunération du travail familial et à l’amélioration de l’outil de production, un objectif qui rejoint l’intérêt de la collectivité : davantage de richesse créée, notamment par unité de surface et une répartition de la valeur favorable à l’emploi et à l’investissement !
* Hubert Cochet est professeur à la chaire d’Agriculture comparées à AgroParisTech. Il est membre fondateur d’AGTER.
Divers
Les questions posées par Hubert Cochet dans son éditorial sont bien présentes dans les travaux que de nombreux membres du réseau AGTER mènent actuellement. Lors de la dernière newsletter nous vous informions du chantier de réflexion collective du Comité Technique "Foncier et Développement" qu’AGTER co-anime avec la SCAFR - Terres d’Europe et qui porte sur l’évolution des structures agraires dans le monde et l’installation des jeunes en agriculture. Les prochaines sessions prévues début juillet favoriseront, à partir de la présentation d’études de cas, une analyse croisée de cette problématique dans des contextes très contrastés, y compris dans des zones irriguées.
A ce chantier s’ajoutent les travaux récents (et toujours en cours) consacrés aux partenariats publics-privés en irrigation en Afrique Sahélienne et aux rapports entre agriculture familiale et agrobusiness en Côte d’Ivoire (en agriculture irriguée mais également en économie de plantation). Une partie des résultats de ces études sera présentée prochainement dans le cadre des Rencontres des Études Africaines en France qui se tiendront à Marseille du 9 au 12 juillet. En effet, AGTER participera au panel intitulé "Agricultures entrepreneuriales et agricultures familiales en Afrique Subsaharienne : formes, liens et modèles de développement". Vous trouverez la composition complète du panel ici.
En attendant les résultats des discussions qui ressortiront de ces différentes sessions et dont nous vous tiendrons informés, nous vous proposons la sélection d’articles et de vidéos qui suit.
Le 5 juillet 2018 (14h-17h) : Réunion thématique d’AGTER : Le concept d’agriculture familiale à l’épreuve de l’anthropologie économique. Lieu : AgroParisTech (Paris)
article(s)
français
espagnols
anglais
- vidéo
français
article(s)
Enjeux fonciers et modèles de développement dans les périmètres irrigués en Afrique de l’Ouest
14 juin 2018, par
Samir El Ouaamari, Amel Benkahla, Sandrine Vaumourin
Nous vous proposons de revenir sur la note de synthèse rédigée par AGTER et le GRET à la suite de ces mêmes journées thématiques organisées par le CTFD et le COSTEA.
Les places relatives des agriculteurs familiaux, des entreprises agricoles et de l’Etat dans l’accès aux ressources : quels systèmes d’acteurs pour quel accès a l’eau et aux terres ?
14 juin 2018, par
Clémentine Rémy
Ce document à été présenté en juin 2017 à Montpellier dans le cadre des Doctoriales de l’irrigation du Comité Scientifique et Technique Eau Agricole (COSTEA) financé par l’AFD et au sein duquel AGTER anime un axe de réflexion sur le foncier irrigué). A partir de l’analyse d’un projet d’irrigation mené par la Banque Mondiale en Zambie, Clémentine Rémy, doctorante à AgroParisTech, s’interroge sur les possibilités et modalités de coexistence de systèmes de production agricole familiaux et entrepreneuriaux sur un même territoire ainsi que sur l’intérêt de telles coexistences pour le développement de l’agriculture familiale. En d’autres termes : est-il possible de promouvoir un modèle agricole familiale par l’introduction d’exploitations agricoles entrepreneuriales sur un même territoire ? Est-il possible de faire coexister et se renforcer deux modèles de production agricoles concurrents vis-à-vis des terres, de la ressource en eau, du marché et des soutiens publics ?
Efficience et efficacité économique de l’usage de l’eau agricole par les agricultures familiales
14 juin 2018, par
Michel Merlet, Frédéric Apollin, Patricia Toelen, Yves Richard
Nous nous permettons également de revenir sur une publication de la Commission Agriculture et Alimentation (C2A) de Coordination Sud, réalisée il y a quelques années sur les formes d’utilisation et de valorisation de l’eau agricole par les agricultures familiales à partir de divers travaux de recherches dont ceux menés par AGTER au Pérou et au Nicaragua.
Sept fiches de synthèse pour découvrir les principaux enseignements de l’Étude régionale sur les marchés fonciers ruraux en Afrique de l’Ouest et les outils de leur régulation.
13 juin 2018, par
Philippe Lavigne Delville, Jean-Philippe Colin, Ibrahima Ka, Michel Merlet, Vincent Basserie
En quelques pages, les principales questions abordées par l’Étude commanditée par l’Union Économique et Monétaire Ouest Africaine (UEMOA), réalisée par l’IPAR, avec la participation de l’IRD et d’AGTER
Séquestration du carbone dans les sols / la végétation et questions foncières : les liens avec l’environnement institutionnel et les politiques publiques
14 mai 2018, par
Michel Merlet, Mamadou Cissokho, Geneviève Michon, Sebastien Treyer, Marie Mellac, Olivier Ducourtieux, Olivier Ducourtieux
Contributions de la 3e table ronde de l’atelier sur la séquestration du carbone et le foncier, organisé par le Comité Technique Foncier et Développement et l’initiative 4 pour 1000 (4‰) avec l’appui de la Banque Mondiale. Paris, 13 et 14 décembre 2017. L’initiative 4‰ ne doit pas se limiter à une somme de petits projets, elle a un caractère transcendant en ce qu’elle reconnaît la nature de commun mondial qu’ont les sols. Les implications au niveau de l’analyse foncière sont considérables : 1/ la propriété exclusive et absolue du sol n’est pas compatible avec la reconnaissance de celui-ci comme commun mondial, nécessaire à la survie de l’humanité. Il faut trouver les moyens de faire respecter les droits de l’humanité en rapport avec la fixation du carbone. 2/ la reconnaissance de droits à des collectivités pour que puissent se mettre en place des systèmes de gouvernance aux différentes échelles, locale, régionale, nationale, plurinationales, mondiale. Cela passe par des moyens qui peuvent être variés, fiscalité, interdictions de certaines pratiques, régulation des différents marchés, etc. L’initiative 4‰ doit permettre de contribuer à l’évaluation des politiques, et d’aller vers des mesures contraignantes pour tout ce qui concerne la gouvernance du foncier et des ressources naturelles et le climat.
Disputatio entre Michel Merlet et Michel Petit sur l’avenir de la petite exploitation familiale. Animateur : Jean-Christophe Paoli
14 mai 2018
La petite exploitation agricole est-elle une chance pour le développement économique et social ou au contraire le révélateur d’une situation de déséquilibre, qu’il faut résorber au profit de la grande exploitation agricole avec salariés ?
Grande production ou petite production ? La « question agraire » aujourd’hui
14 mai 2018, par
Michel Merlet
Après avoir analysé les avantages et les inconvénients de la grande production et de la production paysanne en 1899 dans "La question agraire", Kautsky considérait que l’industrialisation de l’agriculture et la prolétarisation des paysans étaient inévitables et constituaient une étape nécessaire pour construire le socialisme. Si jusqu’à la fin du XXe siècle, ses prévisions ne se sont confirmées que dans les pays dont les États avaient organisé avec violence la collectivisation de l’agriculture, et pas du tout dans les pays occidentaux, les évolutions agraires récentes semblent enfin lui donner raison. Toutefois, le développement du capitalisme agraire et des grandes entreprises à salariés ne vient pas de son efficacité à créer des richesses par ha ni des emplois, mais de sa capacité à capturer des rentes de différentes natures.
ZAD de NDDL : Après le geste de dialogue du mouvement, le gouvernement doit mettre fin aux menaces !
21 avril 2018
Communiqué du 21 avril 2018 d’Organisations de la Société Civile
Eficiencia y eficacia económica del uso del agua agrícola por parte de la agricultura familiar
14 juin 2018, par
Michel Merlet, Frédéric Apollin, Patricia Toelen, Yves Richard
Nos permitimos retomar aqui una publicación de la Comisión Agricultura y Alimentación (C2A) de Coordination Sud, de algunos años atrás, que trata de las formas de uso y de valorización del agua agrícola por las agriculturas familiares a partir de varios trabajos de investigación, entre los cuales unos de AGTER en Peru y en Nicaragua.
Agricultura de regadío y generación de alimentos, riqueza y empleo : ¿Qué lugar para la agricultura familiar en el Delta del rio Senegal ?
14 juin 2018, par
Samir El Ouaamari, Mathilde Fert, Léa Radzik, Nadège Garambois
Este artículo fue presentado en forma de poster el marco del coloquio internacional « El futuro de la alimentación y retos de la agricultura para el siglo XXI » organizado por Initiatives in Critical Agrarian Studies (ICAS) y el International Institute of Social Studies (ISS) del 24 al 26 de abril de 2017 en la ciudad de Vitoria. Resume los principales resultados de los trabajos conducidos por AGTER y AgroParisTech en el Delta del Senegal bajo el auspicio del COSTEA, Comité Scientifique et Technique Eau Agricole.
Economic efficiency and effectiveness of agricultural water use in family farming
14 juin 2018, par
Michel Merlet, Frédéric Apollin, Patricia Toelen, Yves Richard
We here revive a publication of the Coordination Sud’s Commission on Agriculture and Food (C2A), produced a few years ago on the "Economic efficiency and effectiveness of agricultural water use in family farming", partly based on studies led out by AGTER in Peru and Nicaragua.
Large-scale or small-scale production in agriculture ? The “agrarian question” today
14 mai 2018, par
Michel Merlet
In “The Agrarian Question” (1899) Kautsky analyzed the advantages and disadvantages of large-scale production and peasant production. He considered that the industrialization of agriculture and the proletarianization of the peasants were inevitable …
vidéo
Enjeux fonciers et modèles de développement sur les périmètres irrigués. Le cas du Sénégal
14 juin 2018, par
Samir El Ouaamari
Le 2 et 3 mai 2017, se sont tenues 2 journées de réflexion sur les problématiques relatives au foncier irrigué et aux modèles de développement sur les grands périmètres irrigués publics ouest-africains. Ces journées ont été organisées à l’initiative du Comité technique « Foncier et Développement » (CTFD), du Comité scientifique et technique sur l’eau agricole (Costea) et du Pôle foncier de Montpellier. Elles ont eu lieu au Jardin tropical du bois de Vincennes, à Nogent-sur-Marne. Nous vous proposons ici une sélection des vidéos de la journées concernant le contexte sénégalais.
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